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CHRONIQUES
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11 mai 2025
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Nommées Rencontres inédites, ces séances remontent aux origines du festival en 1994 et, comme le rappelle dans sa partie consacrée au vingtième anniversaire la plaquette du Verbier Festival, « elles permettent à des artistes n’ayant presque jamais joué ensemble de s’essayer à des programmes originaux de musique de chambre. »
Belle brochette de solistes que celle réunie autour de Christian Zacharias, moteur incomparable pour un concert de musique de chambre au programme original. De Mozart, le Quatuor avec piano KV 493, second de deux œuvres qui sont des concertos de taille réduite, véritable miracle d’équilibre, resplendit sous les archets de Roberto González-Monjas, Anton Jivaev et Christine Christensen, tous entraînés par l’instinct infailliblement mozartien de Zacharias.
C’est lui encore qui faisait scintiller une œuvre plus circonstancielle mais demandant d’être défendue par des instrumentistes hors pair, le Quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson de Beethoven. L’École française de vents est à l’honneur avec au hautbois François Leleux et les plus jeunes mais tout aussi impeccables bassoniste Pierre Gomes et corniste Olivier Darbellay. La partie de clarinette est tenue par l’incomparable Suédois Martin Fröst.
Le même soir dans le même lieu, ce sont tous des solistes de la génération déjà engagée dans la carrière internationale depuis plus de dix ans qui forment autour d’un pianiste vétéran un ensemble de haute volée. Avec en préambule la Sonate le Printemps de Beethoven jouée avec une liberté de ton et un style irréprochable autant par Leonidas Kavakos que par Emmanuel Ax au piano, le concert culmine sur un Troisième Quatuor de Brahms d’une unité, d’une beauté instrumentale et d’un équilibre miraculeux.
Après un tel somment d’émotion, le très postromantique sextuor Souvenir de Florence de Tchaïkovski, malgré l’originalité et la saveur de certaines de ses pages et l’impeccable ensemble des participants qui lui donnaient un son exceptionnel, tombe un peu à plat. Mais la conviction des interprètes assure au morceau le plus grand triomphe du concert.
Cependant, le meilleur de ces Rencontres était à venir avec une soirée consacrée à deux chefs-d’œuvre du XXe siècle, l’intemporel Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen, et le monumental Pierrot lunaire de Schoenberg. La musique de chambre de Messiaen se réduit quasiment à ce quatuor de formation si peu classique dans lequel les musiciens s’expriment plutôt comme solistes ou par groupe de deux ou trois. Le talent des interprètes consiste à faire oublier la complexité de l’écriture et surtout les références musicales et catholiques très pointues qui ont présidé à sa composition.
Michel Béroff, de filiation musicale directe avec le compositeur, est certainement aujourd’hui le pianiste le plus qualifié pour conduire du piano et donner son unité à cette musique si peu formelle. L’intensité des interventions individuelles des trois solistes Ilya Gringolts et surtout Gautier Capuçon dans la sublime Louange à l’éternité de Jésus et Martin Fröst dans l’hallucinant Abîme des oiseaux, resteront inoubliables.
Atmosphère tout à fait différente après l’entracte avec le mélodrame Pierrot lunaire. L’alternative de nos jours pour cette pièce commandée par l’actrice Albertine Zehme est de faire interpréter la Sprechmelodie par une chanteuse ou une comédienne. Après une précédente expérience avec la chanteuse Björk, on avait invité cette année l’immense comédienne allemande Barbara Sukowa, égérie du cinéaste Rainer Werner Fassbinder et plus vedette d’Hannah Arendt de Margarethe von Trotta.
L’actrice a une grande expérience du chant, étant aujourd’hui la soliste d’un groupe de rock, et on se souvient de son interprétation en 1986 de Polly dans l’Opéra de Quat’ sous au Châtelet. Le fait qu’elle dise par cœur les poèmes de ce Pierrot ne laisse aucun doute sur la grande expérience qu’elle a de cette œuvre qu’elle interprète de façon magistrale. Le peu que l’on perd vocalement (elle utilise un micro), on le gagne dans l’expression, la très grande intelligence qu’elle met dans le texte, jouant avec les subtilités linguistiques pour mettre un peu d’actualité dans ces poèmes expressionnistes.
Une autre alternative est de diriger le groupe instrumental (Boulez l’a dirigé très régulièrement avec l’Ensemble InterContemporain) ou de le faire du piano comme l’a si bien fait Michel Béroff avec une brochette d’interprètes réunis pour l’occasion et ayant très certainement très bien répété l’œuvre pour cette représentation unique et inoubliable.
Mozart, Beethoven
Chambristes autour de Christian Zacharias
Beethoven, Brahms, TchaĂŻkovski
Chambristes autour d’Emmanuel Ax
Messiaen, Schoenberg
Barbara Sukowa, récitante
Chambristes autour de Michel Béroff
Église de Verbier, les 26 et 27 juillet 2013
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