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CHRONIQUES
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26 avril 2024
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1946-1974 : vingt-huit années d'effervescence et de turbulences qui auront bouleversé et fécondé la vie musicale du siècle.
Ni dictionnaire, ni encyclopédie, son livre n'a pas l'ambition de citer tous les créateurs et interprètes qui ont jalonné l'époque, mais d'être plutôt « un temps raconté », selon l'expression de Paul Ricoeur, « un espace limité à des faits de la modernité musicale tardive ». Et Célestin Deliège avertit : « C'est l'histoire qui décidera du sort des oeuvres et des théories, non le rapporteur ». Mais il est aussi un outil pédagogique unique à ce jour, destiné à clarifier et à battre en brèche nombre d'idées fausses ou de détournements des enjeux majeurs de ces années-là , et qui offre deux lectures possibles : l'une, chronologique, avec des « pages de réflexion aménagées autour des moments-clés », l'autre, monographique, où les compositeurs sont accompagnés dans leur parcours à travers les diverses phases de leur évolution théorique et esthétique.
Il ne faut surtout pas manquer de s'arrêter sur les rubriques « contexte » et « discussion » qui suggèrent une orientation critique, ou ouvrent à un éventuel débat. Quant aux oeuvres, si elles sont mises en situation dans leurs caractéristiques techniques et stylistiques, elles ne font pas l'objet d'une analyse musicale systématique. Le dispositif est clair : cinquante-trois chapitres divisés en trois « livres » qui tracent les grandes articulations historiques, de l'âge d'or de Darmstadt au « temps des lézardes et des sursauts individuels », jusqu'au temps du regroupement favorisé part la création de l'Ircam et des techniques nouvelles.
Plus explicite encore, le choix de l'auteur, de placer l'ensemble sous le signe d'Olivier Messiaen, présent à chacune des grandes entrées : « Parce qu'il a trente-huit ans lorsque commence l'histoire qui nous concerne, et que sa technique est déjà bien stabilisée. Quel que soit le type de recherche auquel il s'attelle, jamais il ne fait abandon de son acquis, tel qu'il le définit dans technique de mon langage musical, même si son paradoxe est d'avoir été l'initiateur de techniques qu'il n'a fait qu'effleurer, comme le sérialisme généralisé ou le spectralisme, et qui pourtant marqueront la seconde moitié du vingtième siècle, sans que l'on puisse dire qu'il les ait vraiment voulues ou souhaitées ».
Et les hommes entrent en scène : d'abord les pères fondateurs (Leibowitz, Boulez, Cage Babbitt), puis ceux qui les rejoignent (Stockhausen, Nono, Berio, Ligeti, Kagel), relayés par la génération des Ballif, Mache, Pousseur, Zimmermann, et aujourd'hui celle des Brian Ferneyhough, Wolfgang Rihm, Helmut Lachenmann, George Benjamin ou Magnus Lindberg.
Il faut aborder ce livre avec une âme d'archéologue des temps modernes, mettre ses pas dans ceux de l'auteur, accepter les chemins de traverse parfois difficiles à emprunter. Célestin Deliège est un guide parfait et un « passeur » exceptionnel.
Célestin Deliège a été pendant de longues années responsable des émissions de musique nouvelle à la RTB (Bruxelles), professeur honoraire d'analyse musicale au CRM de Liège, directeur des séminaires de DEA à Paris, à l'ENS et à l'Ircam. Son activité musicologique est centrée sur des matières théoriques et esthétiques dont témoignent ses ouvrages, ses collaborations à des collectifs et de nombreux articles.
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CELESTIN DELIEGE
Cinquante ans de modernité musicale : de Darmstadt à l'Ircam
(Contribution historiographique à une musicologie critique)
Editions Mardaga
1024 pages |
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