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CHRONIQUES
25 avril 2024

Au coeur du clavecin

Blandine Verlet

Douze heures de clavecin non-stop : Clavecin en France a osé ce pari un peu fou. Midi-minuit s'impose même dès sa première édition comme le rendez-vous incontournable du tout clavecin français, avec plus de quarante concertistes, des plus grandes stars aux talents les plus prometteurs, jouant cinq siècles de musique, en une véritable fête du clavecin.
 

Le 12/02/2005
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Créée le 6 mars 2004, l'association Clavecin en France s'est fixée le but de promouvoir l'instrument en réunissant instrumentistes, facteurs, musicologues, professeurs et compositeurs autour de leur passion commune. Après un stage à Musicora en 2004, ce Midi-minuit constituait une première vitrine auprès du grand public. Prêtés par Marc Ducornet et Emile Jobin, les instruments ont trouvé un formidable écrin dans l'auditorium flambant neuf du Coeur de ville de Vincennes. Mais sous 450 doigts parmi les plus experts, le clavecin ne pouvait que révéler ses plus étonnants sortilèges. Morceaux choisis.

    Les Huit haïku d'après Le parfum de la lune de Yosa Buson, op. 54 bis de Renaud Gagneux ont ouvert le feu, pièces brèves et évocatrices, utilisant avec maestria les différents jeux de l'instrument, servis ici avec une grande finesse par Ilze Bertrand et Camille Delaforge.

    Mais le principal attrait de cette première heure était sans conteste Benjamin Alard, premier prix du Concours International de Clavecin de Bruges en août dernier à dix-neuf ans. Dans un programme consacré à Louis Couperin, notamment le Prélude à l'imitation de Froberger, le jeune lauréat a offert un jeu profond et d'une sensationnelle maîtrise technique.

    Seule à jouer par coeur, Céline Frisch impose d'emblée un univers sonore fascinant, d'une concentration virtuose et de technique fulgurante, en une progression musicale alimentant le plus passionnant discours, dans une Suite en sol majeur et des transcriptions de Lully de Jean-Henri d'Anglebert.

    Outre une superbe copie de Cresci de 1784 réalisée par Emile Jobin, un bref détour par la salle des jeunes talents permet d'apprécier l'éloquence de Céline Joly, qui force l'admiration dans des extraits d'Uranie de Johann Kaspar Ferdinand Fischer et des pièces de Joseph-Nicolas-Pancrace Royer dont le Vertigo se pare d'intentions que lui refuse le pur abattage.

    Dans Duphly et plus encore Benda, Catherine Latzarus joue un classicisme souriant, comme teinté du charme discret de la bourgeoisie, contraste idéal avec les révoltes quelque peu datées de Livre pour virginal (1989) d'Alain Louvier, interprété par l'auteur. Si les développements du très messiaenesque Tous les Oiseaux du Monde lassent, les sonorités inédites que font naître l'écriture du compositeur français, faux airs de synthétiseur et même d'ondes Martenot, ne manquent pas d'aiguiser l'intérêt.

    Dans des pièces de Royer – un Vertigo inclassable – et de Boutmy, Mario Raskin déploie non sans coquetterie des sonorités plus traditionnelles, mais d' une palette parmi les plus chatoyantes, idéale dans les Monodias espaolas (1988) orientalisantes de José Evangelista. D'une énergie indestructible, Isabelle Sauveur donne dans Boutmy une démonstration parfois forcée, à des lieux de l'élégante finesse de Laurent Stewart, presque trop parfait, et surtout monochrome, dans Louis et François Couperin pour ne pas ennuyer.

    S'il en était besoin, l'interprétation du Huitième ordre de François Couperin par Blandine Verlet prend dès lors un relief supplémentaire. Au prix de ces quelques maniérismes chorégraphiques et respiratoires qui ne sont qu'à elle, la claveciniste française entraîne comme par envoûtement dans son au-delà musical, de bout en bout transcendante, dans un absolu halluciné, prenant tous les risques, s'y consumant pour ne pas s'y brûler. La liberté rythmique, les palettes dynamique et chromatique surprennent des sommets qu'elle semble pouvoir seule atteindre.

    Si glorieusement précédé, Kenneth Weiss fait valoir, plus que quelques raideurs, un sens infaillible de l'architecture dans la Chromatische Fantaisie und Fugue BWV 903 de Bach, enchaînant en délicieux clin d'œil sur une Marche turque moins souple et virtuose qu'ironique, tendant les mains aux Tangos pour deux clavecins interprétés avec génie par Mario Raskin et Oscar Milani, bousculant l'instrument dans ses plus improbables sensualités latines.

    Et puis, miracle soudain dans la semi-pénombre et la plus bouleversante intimité, que les infinies délicatesses du clavicorde, joué avec une science délectable et infiniment artiste par Etienne Baillot, jusqu'aux dernières notes chargées d'émotion palpable du Lamento sopra la dolorosa perdita di Ferdinando IV, adieu gravé dans le silence.

    Espérons de tout coeur que le succès remporté par ce premier Midi-minuit, passionnant marathon musical suivi par un public plus fervent que nombreux, permettra, aussi riches et intenses, de nouvelles éditions.



    Midi-minuit, le clavecin en fête

    46 instrumentistes dont Benjamin Alard, Michèle Dévérité, Martin Gester, Blandine Verlet, Kenneth Weiss, Laurent Stewart
    6 clavecins et 1 clavicorde.

    Conçu par David Gallois, Annie Kalifa, Françoise Lengellé, Jeanne et Didier Lenoir, Françoise Marmin, Laure Morabito, Noëlle Spieth, Aline Zylberach.




    Le 12/02/2005
    Mehdi MAHDAVI



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