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CHRONIQUES
26 avril 2024

Waltraud Meier, une incandescence mythique
© Wilfried Hösl

Alors que la colline sacrée perdait en prestige, orpheline des gosiers titanesques qui firent sa renaissance, Waltraud Meier veillait en vestale sur la flamme fragile du feu wagnérien. Enchanteresse et démoniaque, Kundry, Venus, Ortrud, et Isolde, qu'a voulue Gérard Mortier pour son Tristan déjà légendaire. Portrait subjugué d'une incandescente.
 

Le 20/04/2005
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Au premier regard, une beauté sereine, sous laquelle affleure, mue en évidence, de la silhouette, du regard, des reflets de feu de la chevelure, la pure incandescence, présence envoûtante, sans pose ni apprêt, d'une autre dimension, intimidante même, sans le vouloir : Waltraud Meier a l'aura mythique d'une tragédienne, née pour la scène, la démesure lyrique. Un goût musical symphonique, chambriste, étendu au jazz et à la chanson, française, surtout, n'occulte pas la vraie passion, le vrai feu, la véritable fanatique, qui sont pour le théâtre, appris au contact des plus grands metteurs en scènes qui ont forgé ses bases, approfondies d'instinct, de nature, de fulgurances : un seul mouvement de tête, et trois regards d'expressions infinies sont une leçon magistrale.

    Pour l'opéra, nulle vocation, simple métier, spectatrice rare, sinon lorsqu'elle partage la scène. Chanteuse par hasard donc, née d'une famille musicienne, en amateurs : Waltraud Meier pratique le chant choral, et remarquée à vingt ans, passe une audition, débute une carrière, jamais rêvée, sitôt lancée, et sur les cimes. Bayreuth à vingt-sept, Kundry dix années durant, pour celle qui, alors, par logique de tessiture, quelques couleurs d'alto, n'est encore qu'une Brangäne, que Paris entend en 1985.

    Mais fidèle d'entre les fidèles, qui lui a tout offert, Daniel Barenboïm lui demande Isolde, à Bayreuth qui plus est – folie !
    défi ! Car le public, d'une Kundry amplement mûrie sur la colline, attend injustement une Princesse d'Irlande d'emblée légendaire. Dès 1993, dans la production mythique d'Heiner Müller, et au fil des ans, soutenue par Barenboïm, la mezzo allemande façonne, approfondit, fait naître une figure qui consume, d'une légende qui fascine, hors du temps, possédée enfin, en 1997. Paris l'entend au faîte de ses moyens et de sa connaissance du rôle, dans sa plus grande vérité musicale aussi, nourrie d'une année de récitals et concerts, sans énorme machine théâtrale, comme un retour aux sources de la musique.

    Du travail de Peter Sellars, elle retient l'épure qui dévoile le sentiment, le rend palpable, d'un geste toujours suggéré, caressé, jamais imposé, jusqu'au coeur du spectateur. Face aux écrans qui dominent, aux images de Bill Viola, Waltraud Meier répond par l'engagement de tout son être, de tout son corps, nécessaire à Bastille plus qu'ailleurs, où la distance peut être fatale à l'expression. Et d'un relais idéal, Ben Heppner, partenaire rêvé, sans pose, s'illumine au plus profond du regard de l'intimité de Tristan, jamais extérieur, jamais préoccupé, comme d'autres, par les difficultés techniques d'un rôle écrasant, toujours présent par cette flamme qui les mène à la mort. Une traversée qu'il faut mener savamment, un deuxième acte, surtout, piège pour Tristan comme pour Isolde, qui doit être fraîche encore pour sa Liebestod.

    Mourir en scène, immolée par l'amour, encore, toujours, sans répit, et sans rôle préféré – on aurait aimé, pourtant, lui entendre révéler qu'Isolde, pour le mythe de la mort d'amour, pour l'aura légendaire occupe une place singulière. Non, toutes les héroïnes déjà chantées, qui sont toutes celles qu'elle a désirées, la dévorent d'une même flamme, mezzo ou soprano, brouillant les pistes par la puissance dramatique : Ortrud, Sieglinde, Leonore, Carmen, Eboli, Waltraute, Kundry, Isolde, depuis trente ans déjà, et pour très longtemps encore.




    Le 20/04/2005
    Mehdi MAHDAVI



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