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CHRONIQUES
20 avril 2024

Les jeunes années d'Arthur Honegger

Sans la connaissance d'au moins une partie de leur correspondance, notre perception de la personnalité des musiciens serait moins fine. Que ces correspondances soient aussi complètes que celle de Mozart et de Poulenc, ou partielles, comme celles de Schönberg, de Berg ou d'Honegger ne change rien à cet état de fait, confirmé parution après parution : toute correspondance de musicien est précieuse.
 

Le 05/06/2006
Stéphane GOLDET
 



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    à un ami

  • Arthur Honegger
    Lettres à ses parents, 1914-1922
    Présentation et notes : Harry Halbreich
    Genève, Édition Papillon, 2005, 340 pages
    www.editionspapillon.ch

    À première vue, la période choisie peut sembler courte, mais ces huit années – les dernières de la vie des parents du musicien – sont décisives. Ce ne sont ainsi pas moins de cent trente lettres qui jettent un éclairage nouveau sur une personnalité attachante, saisie entre ses 22 et ses 30 ans, c'est-à-dire durant une période charnière qui verra le musicien achever ses études, déjà entammées au début de cette correspondance, se lier à un réseau de collègues et d'amis qui seront ceux de sa vie entière – Darius Milhaud, ainsi que les autres membres du futur Groupe des Six –, rencontrer sa future épouse, Andrée Vaurabourg, commencer à faire se faire jouer et éditer, et, enfin, mettre au point son premier chef-d'oeuvre : le Roi David (1921).

    Dans aucune de ses lettres, Arthur ne quitte le ton d'un fils respectueux et reconnaissant – certes mélomanes, ses parents, commerçants suisses établis à l'étranger, n'ont rien fait pour forcer leur fils musicien à entrer dans le négoce familial : une telle « permissivité Â» n'était pas chose courante au début du XXe siècle – ; époque oblige, dans aucune lettre non plus on ne trouve d'épanchements de sentiments – sa future épouse, Andrée, y apparaît comme « en creux Â» : les lettres du mois d'août 1917, que le jeune homme passe entièrement à Carantec, dans le Finistère parce que la famille Vaurabourg y avait pris ses quartiers, ne parlent strictement que tourisme et nourriture. Mais ce qui fait le prix de cette correspondance est l'ensemble des qualités qui s'y révèlent, au premier rang desquelles on citera la parfaite probité d'Arthur Honegger, ainsi que sa magnifique ouverture d'esprit.

    Un seul exemple : en pleine guerre de 1914, alors qu'aucun milieu n'était épargné par le nationalisme, de Paris, Arthur demande à ses parents de lui envoyer de Zurich le Traîté d'Harmonie de Schönberg qu'il qualifie d'« ouvrage extraordinaire et indispensable pour la composition moderne Â» (lettre du 2 mai 1916). Comme Arthur ne doute pas que le traité a déjà été traduit en français (1), il en demande même un exemplaire supplémentaire pour son « camarade Milhaud Â», en précisant que si ses parents ne le trouvent qu'en allemand, il lui suffira alors de n'en recevoir qu'un seul exemplaire, qu'il traduira ensuite pour son ami.

    Insistons : une telle curiosité, un tel appétit pour ce qui se passe hors de son rayon d'activité – et à Paris au début du XXe siècle, celui-ci n'est pas petit – est alors tout sauf chose courante – la même curiosité le poussera à chercher à acquérir, un peu plus tard, la partition de la 2e symphonie de Mahler. Et précisons, avec Dominique Jameux, qu'un tel état d'esprit ne se retrouve nullement dans les cercles viennois analogues (2).

    La lecture de ces lettres révèle bien d'autres surprises que le lecteur découvira avec plaisir, et ce d'autant plus que l'ouvrage est par son abondante illustration – photos transmises gracieusement par Pascale Honegger, cartes postales, nombreuses reproductions de maquettes et de dessins
    – ainsi que par son appareil de notes, un véritable bijou éditorial.

    On s'en voudrait de ne pas signaler que le même éditeur publie une solide étude de 250 pages (vie et oeuvre), due à Jacques Tchamkerten, illustrée avec le même soin que cette correspondance : un équivalent actuel du petit Solfèges que Marcel Landowski avait publié au Seuil en 1957.





    (1) : C'était prendre ses désirs pour des réalités, et méconnaître la marginalité de Schönberg (cf. Dominique Jameux : L'École de Vienne, Fayard, 2002). Comme le rappelle une note, cette traduction en français ne devait être effectuée qu'en... 1983 (éditions Lattès).
    (2) : Dans cet ordre d'idées toutefois, le nom de deux musiciens vient à l'esprit, qui seraient comparables à Honegger : Bartók et Ravel.




    Le 05/06/2006
    Stéphane GOLDET



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