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CHRONIQUES
27 avril 2024

Maria Callas, souvenirs souvenirs !

Trente ans déjà ! Le 16 septembre 1977 s'éteignait à Paris la Callas. Parler de Maria Callas, c'est ouvrir la boîte aux souvenirs, ceux d'une époque révolue ou nous vivions au rythme des apparitions des grandes divas inégalées : Callas, Tebaldi, Schwarzkopf, Varnay et quelques autres. Toutes ces dames, Callas en tête, semaient ce que tant d'autres ont depuis tenté de récolter
avec des succès divers.

 

Le 16/09/2007
Gérard MANNONI
 



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  • Les biographies de Maria Callas vont pulluler dans tous les médias en ces temps d'anniversaire. Qu'il me soit permis, cette fois, plutôt que d'allonger une liste de dates et de titres, de revivre autant que faire se peut, les moments d'émotions exceptionnels que je lui dois dans les quelques rôles où j'ai pu la voir et l'entendre.

    La première fois, ce fut presque par hasard. En 1958, étudiant en Angleterre, non loin de Londres, j'allais souvent à Covent Garden, pour le ballet où régnait Margot Fonteyn, et pour l'opéra où l'on entendait les grandes voix que Paris ignorait à peu près alors. En juin, la Traviata, avec cette Callas qui défrayait tant la chronique mondaine autant que musicale, pourquoi pas ?

    Presque une nuit entière de queue pour avoir un billet
    et le choc absolu. Elles sont devenues historiques, ces Traviata où la Callas, mise en scène de façon décorative mais magistrale, possédait encore ses fabuleux moyens quasiment intacts, voix qui portait loin plus par nature que par sa taille, dont le timbre avait un drame intérieur qui donnait une dimension bouleversante à chaque note, y compris aux vocalises les plus brillantes.

    Plus encore que les prouesses vocales du premier acte, c'est la simplicité du dernier, d'une vérité sans rémission tant musicale que dramatique, où, dans un climat mortifère et désespéré, tout était essentiel, indispensable, incontournable, à marquer toute une génération. Celle qui fut souvent sa partenaire dans de multiples autres opéras à la scène comme au disque, la grande Fedora Barbieri, considérait que « jamais personne ne chanterait Violetta comme elle le fit alors Â». Le public britannique en délire, tout self control oublié et l'envie de revire au plus tôt pareilles émotions !



    De retour à Paris, il fallut attendre le mois de décembre, et le concert du Palais Garnier, événement de l'année musicale, grand rassemblement mondain d'un public en tenue de soirée pour le gala de la Légion d'honneur, avec le tout Paris, du Président de la République à Brigitte Bardot et à Farah Diba, future impératrice, et des places hors de prix où passèrent toutes mes économies, car je voulais être bien placé.

    Au premier rang des fauteuils de balcon, juste au-dessus du Marquis de Cuevas qui hurlait ses Brrrravo ! si célèbres alors, je ne pouvais ni mieux voir ni mieux entendre. Ce soir-là, la partie concert suscita sans doute plus d'admiration et de curiosité que d'émotion véritable. La vidéo en a laissé le souvenir palpable, atmosphère électrique dans la salle – les cancaniers espéraient qu'elle s'arrêterait en cours de route comme le soir du scandale de Rome encore tout chaud – attente de l'apparition du monstre sacré vue seulement en photo par les Parisiens jusqu'alors, et sur scène, cette silhouette de rouge vêtue, changeant totalement de personnage d'un seul regard, d'un seul geste, d'une simple façon d'ajuster son étole.

    Magique, mais c'est avec le deuxième acte de Tosca que renaissait l'émotion de la Traviata. Une façon de marcher, de bouger, de regarder, de souffrir, d'invectiver, de supplier, où tout était travail et d'une certaine manière sophistication, mais vérité dramatique et humaine absolue. Du très grand théâtre.

    On a sans doute entendu des Vissi d'arte plus purement chantés, mais personne n'a jamais feint ainsi de trouver par hasard le couteau du meurtre en s'accrochant à la table contre laquelle Scarpia la pressait, ni su dire de cette manière sauvage Ti soffoca il sangue ? Muori dannato ! Muori, Muori !, ni avec un tel mépris E avanti a lui tremava tutta Roma ! Puis, ces mains volontaires mais tremblantes pour placer les chandeliers près du cadavre, en femme pieuse, et cette sortie terrorisée, urgente, porteuse de tragédie.

    Pour les premières Norma parisiennes, en 1964, il fallut à nouveau faire de très longues heures de queue, mais dans une ambiance unique. Arrivés au milieu de la nuit, les fanatiques que nous étions se réconfortaient et passaient le temps en chantant en choeur autant de passages que possible de la partition ! Oui, ce n'était pas très beau, mais très sincère et enthousiaste !

    Le soir de la première, la Diva n'était déjà plus très en forme et il faut bien reconnaître, si l'on veut être honnête et pas stupidement admiratif sans restrictions, que son Casta diva ne répondait en rien à nos attentes. Mais tout s'arrangea peu à peu et il y eut ces inoubliables moments de Callas tournant comme un fauve autour de Pollione en chantant In mia man alfin tu sei, ou implorant Oroveso avec une dignité désespérée Ah ! Padre ! Ah ! Padre ! un prego ancor ! Seule Maria Callas pouvait rendre crédible son personnage dans le contexte surchargé et hyper figuratif d'un spectacle qui aurait bien du mal à être accepté de nos jours. Mais quelle dignité, quel rayonnement, et toujours cette démarche à la fois un peu pesante et immatérielle !

    La Norma inachevée de 1965

    Et puis, il y eut la dernière soirée, celle de l'ultime Norma inachevée, en 1965. D'emblée, la voix avait paru autre. Beaucoup plus fragile, plus menue, mais d'une certaine manière mieux maîtrisée. Le timbre était là, le phrasé était superbement contrôlé, l'émotion à fleur de peau, une Norma translucide, sublime à sa manière, avec des nuances impalpables, si dure à réaliser.

    La longue silhouette blanche quitta la scène par le lointain, sortant côté jardin, saluant d'un geste large du bras un public qui l'acclamait, geste que nous ne savions pas encore être le dernier qu'elle ferait dans un opéra. Dans la salle, on attendit en vain la fin d'un entracte qui ne termina jamais. Il n'y avait point de président ce soir-là, mais quand même le Shah de Perse. Déception, mais elle eût été encore bien plus grande si nous avions su alors qu'il s'agissait vraiment d'un adieu.

    De ces trop peu nombreux souvenirs de spectateurs, j'ai toujours gardé la conviction que l'Opéra de Paris qui n'accueillit jamais certaines des plus grandes voix d'alors et rarement les autres, n'invita que trop tard la Callas. La voix de la Diva en 1958 n'était déjà plus totalement elle-même, mais l'impact scénique et vocal incomparable de cette créature d'un autre monde était intact. La Callas avait commencé très tôt, à 17 ans, en 1940, une carrière lourde, avec des rôles éprouvants, la Gioconda, Leonore de Fidelio, Brünnhilde, Isolde.

    Son perfectionnisme, son professionnalisme, sa passion dévorante pour la scène et les héroïnes qu'elle y incarnait, son sens viscéral de la musique et du théâtre, sa frénésie de découvertes, une vie personnelle riche mais déséquilibrante, lui ont quand même permis d'assurer une bonne vingtaine d'années de métier à un tel niveau que tout le monde en rêve encore. Que demander de plus ?

    Toute une génération qui ne l'a jamais vue sur scène l'adule grâce au disque. Tous ceux qui purent être les témoins vivants, même occasionnels, de son art, doivent se considérer comme des privilégiés. Ils ont vécu de heures d'une intensité jamais égalée depuis.




    Le 16/09/2007
    Gérard MANNONI



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