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CHRONIQUES
26 avril 2024

Trois visages de René Jacobs
© Alvaro Yanez

Comme pour mieux combattre les idées reçues, contre lesquelles chacune de ses interprétations est un manifeste, René Jacobs a choisi d'illustrer le versant profane de son Domaine privé à la Cité de la musique avec un opéra allemand, la trop rare Patience de Socrate de Telemann, et le versant profane par un oratorio italien, la très sensuelle Maddalena ai piedi di Cristo de Caldara.
 

Le 22/10/2007
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Pour peu qu'on lui conteste le trĂ´ne du royaume baroque, RenĂ© Jacobs est Ă  notre sens le chef dont les interprĂ©tations ont le plus bouleversĂ© notre vision de l'opĂ©ra vĂ©nitien du Seicento et de l'opera seria du Settecento, sans parler de ses incursions sans compromis dans l'univers mozartien, dont le rĂ©cent Don Giovanni marque le point culminant. Parce qu'elles sont le fruit de recherches historiques, sociologiques, dramaturgiques et musicologiques mĂ©ticuleuses. Parce que cette directivitĂ© dont certains l'accusent, notamment dans Monteverdi, est le gage d'une unitĂ© stylistique qui est la base mĂŞme de l'aboutissement de sa dĂ©marche artistique.

    Si son champ d'exploration ne cesse de s'élargir – il a récemment passé le cap du XIXe siècle avec Tancredi de Rossini –, il s'est restreint, pour son Domaine privé à la Cité de la musique, à la première moitié du XVIIIe siècle, illustrant le versant profane par un opéra allemand et le versant sacré par un oratorio italien, avec un art savant du paradoxe.

    Ardent défenseur de Telemann, que sa prolixité jugée suspecte a relégué dans l'ombre de Bach et Haendel, et dont il s'apprête, après Orpheus, à graver la Brockes-Passion, René Jacobs s'est penché sur le sort de la Patience de Socrate (Der geduldige Sokrates), qui n'avait que très sporadiquement, et modestement, revu le jour depuis sa quasi recréation par Jean-Claude Malgoire à Royaumont en 1997.

    On s'en étonnera d'autant plus que le compositeur fait preuve, dans cette fort réjouissante comédie en musique, d'une invention constante, mélangeant les genres, les styles et les langues, comme il était de mise dans l'opéra hambourgeois – la création eut lieu dans la ville hanséatique, bien que l'oeuvre ait été composée pour Francfort –, héritier direct du dramma per musica vénitien, jusqu'à l'étourdissement.

    Sans doute n'en fallait-il pas moins pour soutenir le livret de Johann Ulrich von König, largement inspiré de La patienza di Socrate con due moglie de Nicolò Minato, dont les situations, aussi comiques soient-elles, se répètent inlassablement trois actes durant, et appellent irrépressiblement la scène.

    Une Xanthippe « hystĂ©ricomique Â»

    SoudĂ©e par une sĂ©rie de reprĂ©sentations Ă  Innsbruck et Berlin dans une mise en scène dĂ©jantĂ©e de Nigel Lowery en partie transposĂ©e dans la cuisine très seventies de Socrate, l'Ă©quipe de chanteurs rĂ©unie par Jacobs parvient heureusement Ă  animer le plateau rĂ©frigĂ©rant de la salle des concerts de la CitĂ© de la musique, en premier lieu grâce Ă  la Xanthippe « hystĂ©ricomique Â» d'Inga Kalna, parvenue Ă  tel degrĂ© de maĂ®trise vocale qu'elle peut chanter, si l'on ose dire, dans tous les sens, sans que jamais ne soit mise en pĂ©ril l'intĂ©gritĂ© de son pulpeux instrument.

    Face à une telle furie, le Socrate au beau creux de Marcos Fink paraît plus résigné que philosophe, mais l'Amitta de Kristina Hansson ne se contente pas du rôle de seconde épouse. Et si la Rodisette de la toujours délicieuse Sunhae Im et l'Edronica d'une lumière ample et néanmoins virtuose de Birgitte Christensen se disputent un Melito bien fade en la personne de Donát Havár, pourtant gratifié d'airs inspirés, leur soupirant Antippo trouve en Matthias Rexroth un exemple typique de cette génération décomplexée de contre-ténors parfaitement crédibles à la scène.

    Un Caldara moins bien rôdé

    Étincelante dans l'opĂ©ra de Telemann, l'Akademie fĂĽr Alte Musik se rĂ©vèle moins bien rĂ´dĂ©e, et moins immĂ©diatement rĂ©active dans le remake concertant de l'envoĂ»tant enregistrement de la Maddalena ai piedi di Cristo. Surtout, l'ensemble berlinois reste en deçà de l'Ă©lan que l'Orchestre de la Schola Cantorum Basiliensis imprimait Ă  la partition de Caldara, d'autant que l'acoustique relègue dans le lointain cette « sensuelle euphonie vĂ©nitienne Â» dĂ©sirĂ©e par le chef, guide inspirĂ© du continuo Ă©loquent du Concerto Vocale.

    Sans doute les années ont-elles rendu le timbre toujours adolescent de Maria Cristina Kiehr quelque peu lénifiant, et son intonation moins sûre, et l'Amor Terreno de Marie-Claude Chappuis, habité, démoniaque, ne peut-il rivaliser, sur le strict plan de l'aisance, du moelleux vocal – bien limités – avec Bernarda Fink. Mais la Marta imprévue de Stéphanie d'Oustrac est un modèle de galbe vocal, sinon de diction, et Lawrence Zazzo, en plus belle voix que jamais, illumine Amor Celeste de radieuse béatitude.

    Une réputation de docte intransigeance précédant René Jacobs, on s'étonne enfin de le découvrir aussi bienveillant pédagogue au cours de la masterclass sur la déclamation du chant dans Monteverdi et Haendel. Il est vrai que face à des élèves de haut niveau – nous avons entendu la mezzo-soprano Amaya Dominguez, lauréate du dernier Jardin des voix de William Christie, et les sopranos Emmanuelle de Negri et Camille Poul –, le maître gantois n'a plus qu'à peaufiner les respirations, encourager, ou retenir, l'élan ornemental, inviter à déclamer le texte pour mieux ressentir la nécessité de la battue qui fait naître, dans le recitar cantando monteverdien, l'illusion de la liberté.




    Cité de la musique
    13 octobre


    Georg Philipp Telemann (1681-1767)
    Der geduldige Sokrates, musikalisches Lustspiel en trois actes (1721)
    Livret de Johann Ulrich von König en langues allemande et italienne, d'après La patienza di Socrate con due moglie de Nicolò Minato

    Marcos Fink (Sokrates)
    Inga Kalna (Xanthippe)
    Kristina Hanson (Amitta)
    Daniel Jenz (Pitho)
    Michael Kranebitter (Plato)
    Sun-Hwan Ahn (Alicibiades)
    Richard Klein (Xenophon)
    Alexey Kudrya (Aristophanes)
    Sunhae Im (Rodisette)
    Birgitte Christensen (Edronica)
    Donát Hovár (Melito)
    Matthias Rexroth (Antippo)
    Maarten Koningsberger (Nicia).

    Choeur du Festival d'Innsbruck
    Akademie fĂĽr Alte Musik Berlin
    direction : René Jacobs

    20 octobre

    Antonio Caldara (ca. 1670-1736)
    Maddalena ai piedi di Cristo, oratorio en deux parties (1698 ?)
    Livret de Lodovico Forni

    Maria Cristina Kiehr (Maddalena)
    Stéphanie d'Oustrac (Marta)
    Marie-Claude Chappuis (Amor Terreno)
    Lawrence Zazzo (Amor Celeste)
    Sergio Foresti (Fariseo)
    Magnus Staveland (Cristo)

    Concerto Vocale
    Membres de l'Akademie fĂĽr Alte Musik Berlin
    direction : René Jacobs

    22 octobre

    Masterclass : La déclamation dans le chant, Monteverdi-Haendel
    clavecin : SĂ©bastien d'HĂ©rin




    Le 22/10/2007
    Mehdi MAHDAVI



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