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CHRONIQUES
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19 avril 2024
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Moins médiatisé que d'autres formations, le Quatuor Vermeer n'en a pas moins occupé sur la scène internationale une place de premier rang. Dans les années 1980, leur intégrale des Quatuors de Beethoven (chez Teldec) a constitué aux côtés de celle des Berg une autre conception, moins radicale mais tout autant captivante par l'homogénéité et le sens de l'analyse dont ces quatre musiciens à la forte individualité faisaient unanimement preuve.
On en aura eu la démonstration au Théâtre des Bouffes du Nord dans le cadre d'une tournée européenne qui mettra fin à leur carrière, bien que la patine des ans semble revêtir leur association trentenaire. Le Quatuor en sib majeur K. 589 de Mozart paraît plus proche de l'esprit galant que de l'engagement malgré la belle sonorité et l'agilité – parfois prise en défaut – du premier violon Shmuel Ashkenasi.
Plus expressionniste que slave, leur vision du 1er quatuor « Sonate Ă Kreutzer » de Janáček offre un regard un peu distanciĂ©, comme si les affres de la douleur, les Ă©mois de la passion, les drames conjugaux appartenaient Ă un monde rĂ©volu plus abstrait que vĂ©cu. En revanche, dans le 15e quatuor en la mineur op. 132 de Beethoven, sans possĂ©der la mĂŞme perfection que jadis, le Quatuor Vermeer prouve par sa lecture unitaire, une maturitĂ© plus intĂ©rieure qu'enflammĂ©e mais qui n'interdit pas un lyrisme oĂą la sĂ©rĂ©nitĂ© l'emporte sur la tension la plus incendiaire. Le bis – l'Allegro final du 7e quatuor de Schubert – conforte cet Ă©tat d'esprit, celui de musiciens qui paraissent dĂ©sormais s'Ă©loigner sur la pointe des pieds.
Le contraste est saisissant avec le Quatuor Takács le 17 novembre au Théâtre de la Ville, aussi bien par l'Ă©nergie apportĂ©e au Quatuor op. 74 n° 1 de Haydn que par la dimension expressive du 2e quatuor « Lettres intimes » de Janáček ou par la perfection formelle et sensible du Quatuor amĂ©ricain de Dvořák. La vivacitĂ©, voire la rusticitĂ© comme l'Ă©lĂ©gance et la subtilitĂ© dont les Takács font preuve laissent Ă penser que l'avenir leur appartient encore.
L'optique qui se dégage du début de l'intégrale des Quatuors de Chostakovitch donnés en cinq concerts à la MC 93 de Bobigny par le Quatuor Chostakovitch de Moscou se rapprocherait en revanche mutatis mutandis de celle du Quatuor Vermeer. Cette formation mythique qui s'est créée en 1966 autour du violoniste Andrei Shishlov est dépositaire d'une tradition dont on prend conscience à l'écoute de l'interprétation le 28 novembre des 4e, 5e et 6e quatuors, plus contemplative que mordante, décantée et déjà baignée par l'ambiance mortifère des oeuvres de la dernière période de ce Beethoven du XXe siècle.
Le public est conscient d'assister, avec la venue du Quatuor Chostakovitch de Moscou, à un événement où apparaît plus la nudité de l'envers du décor que la lumière aveuglante.
12/11/2007, Théâtre des Bouffes du Nord
Mozart, Janáček, Beethoven
Quatuor Vermeer
17/11/2007, Théâtre de la Ville
Haydn, Janáček, Dvořák
Quatuor Takács
28/11/2007, MC 93, Bobigny
Chostakovitch
Quatuor Chostakovitch de Moscou
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