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CHRONIQUES
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28 mars 2024
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Du 18 novembre au 3 décembre, en neuf concerts, le pianiste Dang Thai Son a sillonné la région des Pays de Loire entre Laval, Angers et Nantes. Cela tient de l'événement quand on sait combien il se fait rare en France. À la tête d'une discographie importante – mais non distribuée dans l'Hexagone tel le récent enregistrement des deux concertos de Chopin sur piano Erard avec Frans Brüggen et l'Orchestre du 18e siècle –, invité régulièrement à Varsovie (y compris comme membre du jury du Concours Chopin), présent au Japon, en Chine, au Brésil, aux États-Unis et au Canada, où il vit, ce remarquable pianiste est apprécié de ses pairs au rang desquels Martha Argerich et Krystian Zimerman.
Dans le 1er concerto en mi mineur de Chopin, l'élégance de son jeu, le naturel d'un discours qui ne cherche jamais les effets de manche, le contrôle absolu du rubato sont la marque d'un artiste qui est parvenu à la quintessence d'un style appris à Hanoi auprès d'héritiers d'Isidore Philipp et d'Alfred Cortot, puis au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. Il est accompagné avec tact par Isaac Karabtchevsky (directeur musical de l'Orchestre) qui sait respirer et faire chanter les cordes avec un sens inné du legato, ce que confirmera d'ailleurs en seconde partie une interprétation construite, aérée et engagée d'Une vie de héros de Richard Strauss.
La semaine suivante, en récital, Dang Thai Son se révèle d'une sensualité à fleur de notes dans Debussy (Reflets dans l'eau, Cloches à travers les feuilles, Poissons d'or), faisant même oublier que le piano est un instrument à percussion. La même impression prévaut dans les pièces de Gabriel Fauré avec une compréhension immédiate de la mélodie (2e Nocturne en si majeur), une pudeur mélancolique (1re Barcarolle), une légèreté de ton impalpable (2e Impromptu).
Le collier de Valses nobles et sentimentales de Ravel s'égrène sous les doigts de ce pianiste aux semelles de vent avec sensibilité, poésie et un balancement rythmique sans agressivité ni dureté. Les 4 Ballades de Chopin ne donnent jamais l'impression d'un cycle – elles furent d'ailleurs écrites séparément de 1835 à 1842 – mais plutôt d'un voyage dans un univers aux couleurs multiples sans rugosité, où la passion et la fougue sont enveloppées dans un manteau ample qui se déploie avec souplesse et fluidité à la manière de Cortot.
Économe de ses moyens, loin des excès fougueux des broyeurs d'ivoire, Dang Thai Son semble, avec le temps, s'être totalement approprié l'art de Chopin. Avec lui, le public a pu savourer des moments de grâce et de beauté qui participent de la maxime chère à Claude Debussy : « La musique doit humblement chercher à faire plaisir, l'extrême complication est le contraire de l'art ».
Centre des Congrès, Angers, 27/11/2007
Frédéric Chopin (1810-1894)
Concerto pour piano n° 1 en mi mineur op. 11
Dang Thai Son, piano
Richard Strauss (1864-1949)
Ein Heldenleben
Orchestre National des Pays de la Loire
direction : Isaac Karabtchevsky
Cité des Congrès à Nantes, 04/12/2007
Claude Debussy (1862-1918)
3 extraits d'Images
Gabriel Fauré (1845-1924)
Barcarolle n° 1 op. 26
Impromptu n° 2 op. 31
Nocturne n° 2 op. 33
Maurice Ravel (1875-1937)
Valses nobles et sentimentales
Frédéric Chopin (1810-1849)
4 Ballades
Dang Thai Son, piano
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