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CHRONIQUES
28 mars 2024

John Adams,
prophète en notre pays

© Deborah O Grady

Longtemps boudé par nos programmateurs de salles, le compositeur américain John Adams revient en France avec un cycle triomphal de six concerts en forme de Domaine privé à la Cité de la musique de Paris. Ni minimaliste, ni post-moderne, ni même traditionnelle, sa musique est tout simplement celle d'un maître d'aujourd'hui.
 

Le 30/03/2010
Laurent VILAREM
 



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  • Dix ans ! Cela faisait dix ans que John Adams n'avait pas été invité en France. La chose ne manque pas de sel quand on sait qu'il est précisément le compositeur vivant le plus joué au monde. Dans son excellent blog, www.earbox.com, l’Américain n'a pourtant pas de mots assez durs pour décrire notre pays comme une nation de « sophistes Â» rompus à « la philosophie de Foucault et Derrida Â». Autrement dit, musicalement, un pays de modernistes déconnectés des réalités du monde et du plaisir sonore.

    Mais on sent une vraie ambivalence chez Adams, admirateur éperdu de Proust et parsemant ses œuvres de titres et d'images francophiles. Le plantureux Domaine privé que lui offrait la Cité de la musique (six concerts avec forum et projection d'un film documentaire) offrait ainsi, entre notre pays et lui, la mise au point idéale, à la manière d'une relation amoureuse passionnelle.

    Après une semaine et demie de compagnie assidue, la relation est plus aisée que prévue : le public français, à défaut de l'avoir entendu en concert, a écouté les disques d'Adams. Résultat, le compositeur n'aura pas à jouer au rôle de l'artiste incompris en France : les salles sont combles, l'accueil est enthousiaste et souvent, il s'en faut de peu pour qu'à chaque concert une standing ovation se répande comme une traînée de poudre dans la salle. John Adams, ou le retour du fils prodigue dans l'auto-proclamé pays de la « modernité Â».

    Ce Domaine privé débutait exceptionnellement par un concert de prestige à la salle Pleyel. Adams himself y dirigeait le London Symphony Orchestra. Chef d'orchestre plutôt médiocre par ailleurs, qui endort les Valses nobles et sentimentales de Ravel et annihile les chétives qualités du Concerto pour piano et vents de Stravinski malgré l'énergie déployée par son soliste, Jeremy Denk.

    Création française de City Noir

    Non, le véritable intérêt du concert résidait dans la création européenne de la dernière pièce symphonique en date du maître californien : City Noir. Diversement accueillie, cette symphonie de près de quarante minutes est du très bon Adams. Hommage à la ville de Los Angeles et aux films noirs, avec solos de trompette et saxophone frissonnants inclus, City Noir forme un concentré inspiré de tout ce qui caractérise la musique du compositeur. Énergie, élégie, maîtrise absolue de l'orchestration et surtout une ductilité inouïe qui sait cependant s'attarder de temps à autre, dans un lyrisme résolument personnel.

    On y retrouve des influences de toutes sortes, particulièrement Mahler, Ives et Sibelius, qui font d'Adams, plus du tout le compositeur minimaliste de ses débuts, mais bien, osons le mot, un compositeur « maximaliste Â». D'aucuns évoqueraient le post-modernisme, mais à notre sens Adams fait davantage table rase de la musique européenne de toute la seconde moitié du XXe siècle pour la reprendre là où l'ont laissé Stravinski, Copland ou Hindemith, en lui insufflant une énergie et surtout une texture d'aujourd'hui.

    Une semaine plus tard, on mesure la qualité du grand LSO en entendant les euphorisantes Hamonielehre assassinées par l'Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction du médiocre Lawrence Renes. Écrit dans les années 1980, Harmonielehre est pourtant l'un des chefs-d'œuvre du minimalisme américain. Ces gigantesques crescendi sont plombés dès les premières mesures par un manque de cohésion et d'effarants décalages rythmiques. En lieu et place de l'extase wagnérienne – car cette musique se rapproche de beaucoup du sentiment que procure le Prélude de l'Or du Rhin ! –, on reste à terre et on guette le moindre couac d'un orchestre décidément bien fragile.

    Le lendemain, Adams se retrouvait en terrain plus sûr avec le Asko/Schönberg Ensemble d'Amsterdam. Trois œuvres au programme appartenant à trois phases de sa production : Shaker Loops de 1978, la Chamber Symphony de 1993, et la Son of Chamber Symphony de 2007. La partition la plus faible est résolument la plus récente. Collage hétéroclite qui fleure bon le métier et le manque d'inspiration, cette Son of Chamber Symphony grippe la machine adamsienne. L’Américain y tombe dans le piège du compositeur trop doué, celui de la redite, voire la roublardise du patchwork auquel manque un moteur en faisant apparaître les rouages.

    La radicalité de Shaker Loops

    Shaker Loops en revanche sidère encore par sa radicalité. Musique répétitive en diable avec ses ondes qui ressemblent à celles du Quatuor de Ravel mais qu'on on aurait passé au microscope pour en libérer l'énergie et le lyrisme. John Adams à son pupitre empoigne chacun des sept musiciens, à la manière d'un jazz band, pour les délester d'une toute interprétation trop soignée. Logiquement, les bravos fusent dans la salle.

    Enfin, la Chamber Symphony imagine la rencontre d’une symphonie de chambre de Schönberg bousculée par la musique de dessins animés comme Bip Bip et le Coyote ! Une nouvelle fois magnifiée par la prodigieuse énergie déployée par Adams et l'Asko/Schönberg Ensemble, l’œuvre montre également à quel point la musique d'Adams est dense et dirigée.

    Loin des clichés d'un supposé minimalisme de sa musique, Adams montre qu'il est l'un des grands compositeurs américains savants de l'histoire, au même titre si ce n'est même davantage qu'Ives, Copland ou Gershwin. Gageons qu'il ne faille pas attendre dix ans pour entendre le prochain hommage accordé au compositeur américain dans notre pays.




    Mardi 16 mars
    Salle Pleyel


    Claude Debussy (1862-1918)
    Le Vent dans la plaine
    Ce qu'a vu le vent d'ouest
    orchestration : Colin Matthews
    Maurice Ravel (1875-1937)
    Valses nobles et sentimentales
    Igor Stravinski (1882-1971)
    Concerto pour piano et vents
    Jeremy Denk, piano
    John Adams (*1947)
    City Noir
    Création française

    London Symphony Orchestra
    direction : John Adams


    Vendredi 26 mars
    Cité de la musique


    Charles Ives (1874-1954)
    The Fourth of July, extrait de Holidays Symphony
    Samuel Barber (1910-1981)
    Knoxville, Summer of 1915
    Igor Stravinski (1882-1971)
    Prélude et air d'Anne Trulove, extraits du Rake's Progress
    Sally Matthews, soprano
    John Adams (*1947)
    Harmonielehre

    Orchestre Philharmonique de Radio France
    direction : Lawrence Renes


    Samedi 27 mars
    Cité de la musique


    John Adams (*1947)
    Son of Chamber Symphony
    Création française
    Shaker Loops, version pour septuor
    Chamber Symphony

    Asko/Schönberg Ensemble
    direction : John Adams




    Le 30/03/2010
    Laurent VILAREM



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