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CHRONIQUES
20 avril 2024

La mort du Cantor

Un mois après avoir mis fin à sa carrière le lendemain d’un dernier récital à Paris, Gustav Leonhardt s’est éteint le 16 janvier, à l’âge de 83 ans. Le monde de la musique perd l’un de ses plus puissants esprits, le monde du baroque l’un de ses plus intègres pionniers, et le monde du clavecin un interprète et pédagogue inégalé.
 

Le 18/01/2012
Thomas COUBRONNE
 



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  • Avec la disparition de Gustav Leonhardt, c’est une page de la mĂ©moire du renouveau de l’interprĂ©tation baroque qui se tourne dĂ©finitivement. Claveciniste, organiste, musicologue, chef d’orchestre, l’immense musicien aura marquĂ© de son intĂ©gritĂ© sans faille et de son exigence Ă  peu près tout ce qu’il a touchĂ©.

    On n’énumérera pas la totalité de ses enregistrements qui furent tous peu ou prou des références, que ce soit en musique italienne – Frescobaldi magistral –, française – Louis Couperin architectural – ou bien sûr allemande – avec sans doute Bach plus que tout autre, entre des Variations Goldberg radiographiées, un Clavier bien tempéré rigoureux, une Passion selon saint Matthieu d’une gravité protestante inégalée, et surtout l’impérissable legs de son intégrale des Cantates en alternance avec Harnoncourt, projet peut-être le plus fou de l’histoire de l’interprétation.

    PrĂ©curseur dans la redĂ©couverte des clavecins historiques des XVIIe et XVIIIe siècles, Ă  l’époque « hĂ©roĂŻque Â» des clavecins industriels Ă  seize pieds, on imagine aisĂ©ment cet esprit aiguisĂ© chercher patiemment, en solitaire, sa vĂ©ritĂ© des Ĺ“uvres du Cantor de Leipzig, dont il devait rester l’un des plus absolus et incontestĂ©s serviteurs.

    Après des dĂ©buts discrets, ses enregistrements pour Das Alte Werk devaient lui ouvrir les portes d’une carrière exemplaire : pas un ratĂ©, pas un faux pas, pas un mauvais choix de rĂ©pertoire, pas une concession Ă  cette musique qu’il trouvait souvent « vulgaire  » Ă  partir du XIXe siècle, n’en dĂ©plaise aux adeptes de l’éclectisme d’aujourd’hui.

    Pour autant, la vie palpable à chaque instant dans son travail, loin de toute archéologie, est à l’image de sa réflexion théorique sur la musique : elle ne doit être qu’un substrat à l’interprétation musicale, et l’érudition, l’application ne sauraient remplacer la personnalité, la maturité, l’intégrité ; raison pour laquelle, peut-être, le fondateur du Leonhardt-Consort, professeur émérite du Conservatoire d’Amsterdam, acolyte privilégié des Kuijken et chercheur infatigable, se limita volontairement à livrer son savoir par la seule voie de l’interprétation.

    On remarquera à ce titre le caractère exceptionnel de l’Art de la Fugue, dont il publia en 1952 une analyse qui fait encore autorité. Gageons que cette hauteur de vue, ce perfectionnisme scrupuleux et cet engagement passionné et inspiré ne se retrouveront pas de sitôt ; pour l’auditeur attentif, qui a vibré à l’enthousiasme tangible de la génération Leonhardt alors qu’elle redécouvrait des territoires oubliés depuis longtemps avec une intégrité confinant à la foi, il ne reste qu’un legs discographique passionnant et abondant, qui témoigne de la ferveur exemplaire d’un musicien philosophe.




    Le 18/01/2012
    Thomas COUBRONNE



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