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CHRONIQUES
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10 décembre 2024
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Issu du mouvement esthétique avant-gardiste butô (danse du corps obscur) né au Japon dans les années 1960 sur les cendres du post-Hiroshima, Ushio Amagatsu a fait évoluer sa chorégraphie vers un néo-butô plus sensuel, proche de la transe, laissant une large place à l’esthétique du décor dans lequel évoluent ses danseurs aux crânes rasés et aux corps poudrés de talc.
Depuis trente ans, sa compagnie parcourt le monde avec des spectacles aussi bluffants qu’admirables. Celui dont l’Opéra de Lyon a eu la primeur de la création mondiale et que l’on pourra voir à Paris en mai 2013, nommé Umusuna, Mémoires d’avant l’Histoire ne fait pas exception, dansé par le maître lui-même et huit danseurs dans un décor très minimaliste dominé par deux immenses plateaux de balances et un fil de sable qui s’écoule des cintres tout au long de l’heure et demie que dure ce fascinant spectacle.
L’art d’Amagatsu atteint dans ce spectacle à un apaisement total : exit le sang et les visages torturés de spectacles tels Itsuri et Toki respectivement de 2003 et 2005 mais une très profonde harmonie dans la lenteur, une très grande force intérieure s’en dégage et mérite le qualificatif de « dialogue avec la gravité » énoncé par le maître. Une sérénité souveraine.
Écrite en une seule phrase sur une soixantaine de pages, Ce que j’appelle oubli, texte coup de poing de Laurent Mauvignier, raconte un fait divers de 2009. Un jeune homme, après avoir bu une canette de bière qu’il n’allait pas payer, meurt sous les coups sauvages de quatre vigiles dans le hangar d’une grande surface lyonnaise.
Angelin Preljocaj s’est emparé de ce texte pour en faire sa nouvelle création. Sur scène, dans l’espace intime du Théâtre des Célestins, Laurent Cazenave récite (par cœur, quel exploit !) de façon un peu monocorde au début ce roman dans lequel un de ses amis raconte l’histoire au frère de la victime. À l’arrière-plan, six danseurs racontent avec leurs corps l’histoire en un troisième degré de lecture qui ne colle pas forcément au texte mais avec la force et la sensualité qui en émane.
La première heure du spectacle qui va de l’évocation de la vie érotique de la victime jusqu’à son agonie rapide sous les coups des vigiles est d’une beauté troublante et d’une force admirable. Preljocaj aurait-il dû et pu s’arrêter là ? Dans la dernière demi-heure, le comédien sort de sa réserve de lecteur et participe à l’action et même fort bien à la danse.
Mais le propos se disperse inutilement et perd de sa force alors que la musique électronique parsemée d’une phrase de sonate de Schubert tient magnifiquement l’attention en éveil. Cette pièce au propos plus social et réaliste que les précédentes de Preljocaj et dont l’esthétique ramène à des pièces de ses débuts de chorégraphe, est une belle réussite qui ne peut laisser personne indifférent. Elle sera dès la fin de septembre au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines avant de voyager et revenir au Théâtre de la Ville en février 2013.
13 septembre, Opéra de Lyon
Umusuma/Mémoires d’avant l’Histoire, création mondiale
chorégraphie, mise en scène et conception : Ushio Amagatsu
musiques : Takashi Kako, Yas-Kas, Yoichiro Yoshikawa
Compagnie Sankai Juku et Ushio Amagatsu, danseurs
15 septembre, Théâtre des Célestins
Ce que j’appelle oubli, pièce pour 6 danseurs et un comédien, création française
texte : Laurent Mauvignier
chorégraphie, mise en scène, scénographie et costumes : Angelin Preljocaj
musique : 79 D
narrateur : Laurent Cazenave
Ballet Preljocaj.CCN D’Aix-en-Provence
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