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CHRONIQUES
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20 avril 2024
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Comme à Naples au XVIIIe siècle, tout commence par une procession rythmée en forme de tarentelle. Elle part du fond de l’église Notre-Dame-de-Mortagne et se dirige parmi les rangs d’un public très dense jusqu’à l’estrade où attendent les musiciens du Poème Harmonique de Vincent Dumestre.
Lui-même mène la danse et l’on est en quelques minutes sous le charme envoûtant d’un XVIIIe siècle napolitain aux couleurs musicales bien typées, aux rythmes inhabituels pour nous dans un lieu de culte. Juste le temps que tout le monde soit en ordre, que les jeunes chanteuses de la Maîtrise de Paris aient pris leur place, et les solistes du premier Stabat mater à trois voix ont pris la relève.
Plongée superbe, déroutante mais irrésistible tant par la nature des trois voix d’hommes que par cette écriture qui, en 1715, est déjà celle des grands maîtres napolitains qu’elle annonce. Serge Goubioud et Hugues Primard, ténors, Emmanuel Vistorky, basse, projettent ces lignes mélodiques hors du commun avec tout ce qui faut d’alternance de force et de retenue. C’est une beauté presque rude, mais poignante, absolue.
Sous la direction de Vincent Dumestre, suit un concerto grosso de Francesco Durante, contemporain de Pergolèse, d’une facture limpide, pleine de lumière, de scintillements et aussi d’intériorité presque romantique. Superbe, tout comme ce Stabat mater en plain-chant tardif, à la fois si simple et si chargé d’émotion. Et puis, vient celui, si célèbre, de Pergolèse, que Vincent Dumestre, ses deux excellentes solistes aux belle voix riches de timbre, bien menées, Maïlys de Villoutreys, soprano, Lucile Richardot, alto, la Maîtrise de Paris, dépoussièrent totalement en lui redonnant les couleurs contrastées de ses origines.
Le tempo, les accents, les équilibres instrumentaux et vocaux, tout contribue à insuffler vie et expression à ces pages bien trop souvent noyées dans une uniformité trop languissante. Une interprétation magnifique d’intelligence, comme, d’ailleurs, l’ensemble de ce programme.
Le lendemain, sous la remarquable voûte en bois de l’église de Sainte-Céronne-lès-Mortagne, c’est la blonde Lise de la Salle qui nous entraîne sur les terres du plus authentique romantisme germanique. La pianiste a su parvenir à la belle maturité de sa carrière en se tirant très habilement des redoutables pièges que sont des débuts d’enfant prodige. Débuter à neuf ans, c’est plein de promesses. Tout le monde ne les tient pas.
Presque trentenaire, la pianiste affiche une impressionnante santé technique et une capacité des plus convaincantes à pénétrer l’univers des grandes pages de Brahms (Thème et variations en ré mineur, Variations et fugue sur un thème de Haendel), de Schumann (Fantaisie en ut majeur) et même de la transcription assez grandiloquente de la Chaconne de Bach par Busoni. C’est du beau piano, vaste, généreux, bien maîtrisé, bien diversifié grâce à une analyse approfondie et traduite avec intelligence de la spécificité d’écriture de chaque compositeur.
Gros succès, évidemment, et qui nous rend encore plus impatient de voir arriver les concerts du week-end prochain.
Festival les Musicales de Mortagne-au-Perche
Samedi 27 juin – Église Notre-Dame de Mortagne
Tarentelle anonyme, Naples
Stabat mater Ă 3 voix (Manuscrit de Monopoli en alternance avec le manuscrit de Santoro)
Francesco Durante (1684-1755)
Concerto grosso n° 1 en fa mineur
Stabat mater (manuscrit d’Ostuni, plein chant)
Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736)
Stabat mater
MaĂŻlys de Villoutreys, soprano
Lucile Richardot, alto
Serge Goubioud, ténor
Hugues Primard, ténor
Emmanuel Vistorky, basse
Maîtrise de Paris
Le Poème Harmonique
direction : Vincent Dumestre
Dimanche 28 juin – Église de Sainte-Céronne-lès-Mortagne
Johannes Brahms (1833-1897)
Thème et variations en ré mineur op. 18b
Variations et fugue sur un thème de Haendel op. 24
Robert Schumann (1810-1856)
Fantaisie en ut majeur op. 17
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Chaconne de la Partita en ré mineur BWV 1004
(arrangement de Busoni)
Lise de la Salle, piano
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