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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert du trentenaire du Quatuor Alban Berg au Théâtre de Champs-Élysées.
Le goût du noir
" Le Quatuor Alban Berg est un moment de l'histoire de la musique aussi précieux qu'irremplaçable ", disait Berio. En trente ans de parcours, c'est aussi l'un des quatuors dont l'activité a été la plus intense, prompte à promouvoir la musique de son temps ; avec parfois une volonté didactique qui ne réussit pas à toutes les partitions
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Le répertoire du Quatuor Alban Berg cerne les phases principales de l'histoire du quatuor à cordes, depuis le classicisme viennois jusqu'aux pages les plus modernes. Leur sonorité est unique est à la fois dense, profonde, souvent âpre et crue avec une prédilection marquée pour les couleurs sombres et les atmosphères noires. En trente ans de complicité, les Berg ont forgé leur personnalité dans un esprit proche du post-romantisme.
Mais ce style déteint parfois sur des répertoires où il n'est pas forcément à sa place. Ce fut le cas avec le Quatuor " le Cavalier " de Haydn ou le Quintette avec piano de Schumann qu'ils jouèrent en compagnie de la pianiste Elisabeth Leonskaja la semaine passée au Théâtre des Champs Élysée. Comme d'habitude, leur lecture tente de montrer la modernité des oeuvres du passé. Mais est-ce toujours le meilleur moyen de les servir ?
Dans Haydn, l'interprétation des Berg privilégie l'emportement - au détriment de la légendaire et pourtant si exigeante simplicité du compositeur- par des nuances et une dynamique mouvementée, une sonorité brillante mais quasi symphonique. Du coup, les appuis rythmiques perdent de leur relief et l'articulation peut sembler lourde. Toutefois, le frémissement des vibratos et l'éloquence des silences font du Largo Assai est un grand moment.
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Lorsqu'il écrivait son Quintette avec piano, Schumann vivait l'un des rares moments de bonheur et de plénitude de sa vie. La partition laissée en est le signe : elle jubile, l'écriture est fluide, le discours volubile. Schumann triomphe d'allégresse, à l'inverse des Berg qui ont vu dans cette partition un Schumann sombre et tourmenté. Le jeu est houleux, le scherzo étrangement pesant, et la texture sonore manque de légèreté. Le piano est couvert par l'ampleur sonore des cordes. L'on entendra rarement Elisabeth Leonskaja dont le jeu est pourtant souple, ferme et vigoureux.
C'est évidemment avec le Quatuor de Lutoslawski que la démonstration des Berg est la plus convaincante. D'ailleurs, le compositeur disait de l'interprétation des viennois " qu'elle ne serait probablement jamais égalée ". Les contrastes sont violents, la lumière vif argent, la tension exacerbée : un caractère tout aussi énigmatique qu'angoissant les anime.
Contrairement au concert donné en ce même lieu au mois de février, le Quatuor Alban Berg n'aura pas pétrifié le public dans un silence de mort. Mais les " Bravo" et les " Merci " d'un superbe bis – l'adagio du Quintette de Brahms – n'ont pas manqué de saluer l'un des quatuors les plus essentiel d'aujourd'hui, même s'il pêche parfois par un goût excessif pour la noirceur.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 03/05/2001 Pauline GARAUDE |
| Concert du trentenaire du Quatuor Alban Berg au Théâtre de Champs-Élysées. | Haydn : Quatuor op. 74 N°3, dit “le Cavalier”.
Lutoslawski : Quatuor
Schumann : Quintette avec piano
Quatuor Alban Berg
Elisabeth Leonskaja, piano | |
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