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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Projection avec accompagnement orchestral du Napoléon d'Abel Gance au Printemps des Art de Monaco.
Une ode à Napoléon
Laurent Petitgirard
La politique artistique du Printemps des Art de Monaco gagne à être connue. Cette année, on a projeté une version restaurée et plus complète du film Napoléon d'Abel Gance. Un véritable événement cinématographique et musical qui a permis de découvrir le travail musical réalisé par Marius Constant à partir des oeuvres d'Arthur Honegger.
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Six heures contre cinq, lors de la dernière restauration qui date de 1990: ce Napoléon (1927) a tout d'une création où la musique qu'Arthur Honegger a composée spécifiquement pour ce film muet occupe une place non négligeable. L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dirigé par Laurent Petitgirard en a accompagné en direct la projection les 9 et 10 mai derniers.
Le film lui – même fut en son temps un projet aussi grandiose qu'impossible et ruineux. En parfait visionnaire, Abel Gance tenta d'utiliser tout ce que le cinéma pouvait offrir en matière d'effets, au point de rendre sa projection presque irréalisable puisqu'elle nécessite trois écrans, ou du moins un écran suffisamment large pour accueillir trois films projetés simultanément !
Mais, très curieusement, la force de ce Napoléon ne tient pas tant aux avancées techniques d'Abel Gance ou dans les procédés rhétoriques qui le conduisirent à inventer la caméra subjective qu'à la tentative désespérée de s'affranchir du cadre de l'écran, avec ce que cela suppose de folie.
Or, il y a une fascinante corrélation entre le sujet et la forme, entre la folie du personnage et celle du réalisateur. Napoléon, de ce point de vue, est un monde d'illusions qui fait perdre tout repère : le montage, notamment avec l'utilisation de plans séquences extrêmement brefs, conduit à brouiller totalement le temps cinématographique qui, d'une manière évidente, se confond avec le temps musical.
De la même manière, le travail de superpositions d'images s'apparente plus à un procédé compositionnel à la manière d'un Charles Ives qu'à un simple travail de montage : là aussi, la somme des éléments en jeu devient un objet singulier qui échappe à une pure logique arithmétique.
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Dans ce délire puissant, la musique acquiert une force particulière. De cette optique, Marius Constant a opéré un choix dès plus judicieux en mixant les grandes pages symphoniques d'Arthur Honeguer avec l'oeuvre d'origine. La démesure du propos de Gance trouve ainsi un exact reflet dans la masse symphonique.
Mais plus encore, cette musique participe au brouillage temporel par sa propre logique. Car, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, elle ne sert jamais ou presque à souligner telle ou telle scène : ce qu'elle marque de façon obstinée, c'est la dimension épique d'une oeuvre qui se refuse à tout conventionnalisme et cherche son salut dans un délire de toute puissance.
Les spectateurs se trouvent dès lors confrontés à un objet difficile à identifier, un monstre hybride quelque part entre opéra et cinéma, une sorte de geste qui aurait substitué aux paroles un monde d'images. Dès lors, un écran plus large aurait été nécessaire, tout comme l'escamotage des instrumentistes dans quelque fosse d'opéra.
Mais cette réserve technique pèse au regard du travail réalisé par les musiciens et leur chef Laurent Petitgirard. Malgré la difficulté liée aux impératifs du genre (notamment les problèmes de calage temporel avec le film), l'orchestre trouve une liberté rare dans l'ensemble du programme, à l'instar des passages improvisés par le pianiste Jean-François Zygel et l'organiste Thierry Escaïch. Napoléon n'avait pas connu de troupes aussi vaillantes depuis Austerlitz.
Cliquez ici pour en savoir plus sur le film.
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Grimaldi Forum, Monaco Le 09/05/2001 Mathias HEIZMANN |
| Projection avec accompagnement orchestral du Napoléon d'Abel Gance au Printemps des Art de Monaco. | Napoléon d'Abel Gance
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dirigé par Laurent Petitgirard
Jean-François Zygel (piano). Thierry Escaïch (orgue) | |
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