L'Orchestre des concerts Lamoureux est l'un des trois orchestres associatifs parisiens, sa première prestation scénique remonte au 23 octobre 1881 dans le défunt Théâtre du Château d'eau. À sa tête depuis 1993, le Japonais Yutaka Sado a redonné tout son lustre à la formation fondée par Charles Lamoureux, violoniste bordelais, puis musicien, et chef d'orchestre à l'Opéra de Paris.

Wagnérien convaincu, Lamoureux était aussi un franc partisan de la musique française de son temps. La richesse du bilan est inouïe : c'est chez Lamoureux que furent créés, entre autres, Les Eolides de César Franck, la Symphonie sur un chant montagnard de Vincent d'Indy, Espana et la Bourrée fantasque d'Emmanuel Chabrier, les Nocturnes de Debussy, la Valse de Ravel. Et même Doubles de Pierre Boulez, une commande d'Igor Markévitch qui resta cinq ans au pupitre de l'orchestre.

Les mauvais moments sont oubliés, même si le statut associatif (dont Sado dit " qu'il garantit l'engagement et la disponibilité de chacun ") n'est pas des plus faciles, sur la durée. Mais il n'y a que la foi qui sauve.

Pour cet anniversaire, les amis sont là, et pas seulement ceux du " classique " : le violoniste Didier Lockwood, l'accordéoniste Richard Galliano swinguent à leur manière, Michel Fugain, Bernard Lavilliers, William Sheller y vont d'une chanson ; et Bernstein (ouverture de Candide), Debussy (Nuages et Fêtes), Chabrier (Espana), Satie (Gymnopédie n° 1 orchestrée par Debussy, au programme du nouvel enregistrement à paraître chez Erato) représentent l'autre versant. Dans les deux cas, le public est à la fête.

Terminer la soirée avec la deuxième suite de Bacchus et Ariane est une merveilleuse idée, ne serait-ce que parce qu'Albert Roussel est toujours à redécouvrir. En guise de bis, une version " happening " du Boléro ravélien, dont les instrumentistes quittent leur pupitre les uns après les autres, ne laissant en présence qu'un percussionniste
et Sado jouant de la flûte à bec.

Certes, le chef, ce soir, en fait des tonnes, fier d'entendre " son " orchestre sonner fièrement ; et l'on met quelques coquetteries avec la justesse de la part des solistes des cordes sur le compte d'un trop-plein de joie. Mais que diable, on n'a pas tous les jours 120 ans !