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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert Haendel avec l'Oratorio Samson d'après John Milton.
La surprise de Samson
Le choeur des Sixteen avec Harry Christophers au premier plan (D.R.)
Depuis les réussites de Marc Minkowski ou de René Jacobs, on n'entend plus Haendel comme au début du renouveau baroque. La conséquence en a été la relégation au second plan d'un Haendel plus mesuré à l'anglaise. Le " Samson " dirigé récemment par Harry Christophers y aurait presque appartenu si le rôle titre, Tom Rakewell, ne l'en avait sauvé.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 26/10/2001
yutha TEP
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Complicité artistique
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Le Haendel trop policé et mesuré des Robert King, Trevor Pinnock ou, dans le cas présent d'Harry Christophers, a pris un coup de vieux depuis Minkowski et Jacobs.
Ces derniers n'hésitent pas à faire appel à des effectifs orchestraux importants, à soutenir un dramatisme exacerbé, des tempi diaboliques et surtout à convoquer des " calibres " vocaux, ne répondant pas forcément aux normes de la première manière des baroqueux, mais dispensant des frissons imparables.
Deuxième rencontre entre le compositeur et John Milton, par l'intermédiaire du librettiste Newburgh Hamilton, Samson est une succession de tableaux, plus qu'un itinéraire dramatique, malgré quelques moments éminemment théâtraux, à l'image des confrontations – pour ne pas dire invectives – entre Samson et Dalila, ou encore entre le héros hébreux et Harapha, le géant philistin.
Mais en dépit de quelques airs qui comptent parmi les plus beaux de Haendel (un Let the bright Seraphim immortalisé au disque par Dame Joan Sutherland), ce sont le choeur et l'orchestre qui ont la part belle, Haendel parvenant à une modernité étonnante, notamment dans l'acte III où bouillonnent des fulgurances dignes du Haydn de la période Sturm und Drang.
Et toujours cette immense inventivité mélodique, cette incroyable efficacité dans la gestion des moyens musicaux, et dans la caractérisation des personnages et de leur psychologie.
Comment expliquer alors l'inertie de la première partie du concert ? La faute en incombe peut-être à Haendel lui-même, dont l'inspiration ne paraît retrouver ses hauteurs habituelles que dans l'acte II. Il est vrai que la direction de Harry Christophers n'arrange pas les choses. Sa formation, The Symphony of Harmony and Invention, sonne assez joliment dans la grande salle du Théâtre des Champs-Élysées, bien mieux en tout cas que le Gabrieli Consort de Paul McCreesh l'an passé.
Dès les premières mesures, on sait que l'ensemble anglais offrira une mise en place correcte, que les petits dérapages de justesse ne gêneront pas, que les couleurs ne seront pas non plus très chatoyantes.
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Le réveil avec les Sixteen
Soucieux de phrasé, d'articulation, de nuances aussi, le chef anglais peine à sortir de ces intentions louables, mais insuffisantes. Seules les interventions du choeur des Sixteen réveillent ponctuellement l'audience. Toutes les conditions sont en apparence installées pour une soirée tranquille sans heurt ni passion. Or, la seconde partie s'avère une bonne surprise.
Ne cherchant nullement l'agitation un peu creuse que Paul McCreesh a incompréhensiblement choisie la saison passée, Harry Christophers affronte la partition avec ses armes propres. Progressivement, on se surprend à apprécier tel phrasé à la musicalité indéniable, à goûter tel travail sur les nuances d'un choeur remarquable d'homogénéité et de cohésion, jusqu'à une tentative de trille chorale assez réussie dans le dernier acte.
Il bénéficie en outre d'une distribution de bon niveau. Si l'intonation et la rigueur rythmique de Carolyn Sampson, dernière coqueluche des haendeliens anglais, restent perfectibles, la jeune soprano convainc par une fraîcheur et une réelle intelligence du discours.
Comme à son habitude, Susan Bickley assure sa partie avec professionnalisme, mais son contrôle pointu des nuances ne réchauffe pas toujours un timbre décidément glacial. Les deux basses, Michael George (Manoa, père de Samson) et David Wilson-Johnson (Harapha sonore et efficace), sont indiscutablement anglaises, avec cette tendance marquée à l'engorgement, mais aussi une présence évidente.
Mais la plus grande satisfaction vient cependant de Thomas Randle. Quelque peu bridé en Tamerlan par une mise en scène anodine et la direction léthargique de Trevor Pinnock, le ténor est ici enthousiasmant. Le timbre est remarquable, aux couleurs sombres, presque barytonnant ; la technique est solide, et surtout, l'engagement est admirable.
On remarqua aussi qu'il chante sans partition
Détail en apparence anodin, mais ceci explique peut-être cela. Il ne faudra donc pas manquer son Tom Rakewell du Rakes's Progress dès le 21 novembre dans ce même Théâtre des Champs-Élysées.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 26/10/2001 yutha TEP |
| Concert Haendel avec l'Oratorio Samson d'après John Milton. | Choir of The Sixteen
The Symphony of Harmony and Invention
Direction : Harry Christophers
Avec Thomas Randle (Samson) – Carolyn Sampson (Dalila, une Philistine) – Susan Bickley (Micah, une Israélite) – Michael George (Manoa) – David Wilson-Johnson (Harapha). | |
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