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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Ouverture du cycle des concerts de midi à l'IRCAM avec Pierre Boulez.
Le don de double audition
Avec deux oreilles et un cerveau au milieu, le don de double audition est en principe donné à toute personne normalement constituée. Reste encore à savoir qu'en faire et apprendre à s'en servir. Avec Boulez comme guide, cette tâche tombera plus facilement sous le sens, surtout s'il présente son Dialogue de l'Ombre Double.
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Mercredi 28 novembre, 12 h 30, ouverture à l'IRCAM du cycle des concerts de midi " un homme, une oeuvre ". Dans l'austère bunker de l'Espace de projection qui affiche complet, le dispositif est en place (3 saxophones restés sur l'estrade, 7 haut-parleurs dispersés dans la salle, un piano en coulisse) précédant l'entrée du Maître qui, selon l'usage, doit présenter son oeuvre.
Bastien Gallet mène discrètement le jeu, sérieux comme un pape. Mais ses questions seront vite débordées par un Pierre Boulez, qui visiblement aime ces rencontres. Le public aussi, et particulièrement lorsqu'il s'agit d'une pièce comme Dialogue de l'Ombre Double. Car pour en optimiser l'écoute et en comprendre le projet, il n'est pas inutile d'être délivré d'avance des subtilités qu'elle suppose.
Une Ombre double en trois versions : la première pour clarinette, dédiée en 1985 à l'ami Luciano Berio à l'occasion de son 60e anniversaire, la seconde pour basson créée 10 ans plus tard à l'IRCAM par Pascal Gallois, et la toute récente donnée mercredi dernier, pour saxophone, qui n'est pas de Pierre Boulez (certes réalisée sous sa haute surveillance) mais de Vincent David, un des jeunes membres de l'ensemble Court-Circuit.
Et c'est le même dialogue qui s'engage entre l'instrument " vivant " en pleine lumière (non amplifié, seulement réverbérée de temps en temps par le piano invisible) et son " double " (enregistré et diffusé dans l'obscurité sur les haut-parleurs) qui s'expriment à tour de rôles, s'écoutent et ne se rencontrent que brièvement lors du passage d'une séquence à l'autre, avant de se rejoindre dans les dernières secondes sur un signal sonore du double, relayé par un long contre-ut tendu à l'extrême du saxophone sur scène.
Dans un premier temps, l'écoute se focalise sur l'instrument, mais très vite la spatialisation du son reçue dans les haut-parleurs, sans repères visuels, dilue ses contours et altère la perception. On reste en apesanteur, dans un lieu indéterminé auquel la mobilité du son ajoute un sentiment troublant de désorientation. L'interprétation de Vincent David jouant de son double électronique et de ses saxophones ténor alto soprano est théâtrale au meilleur sens du terme.
On comprend pourquoi, l'oeuvre achevée, Pierre Boulez lui ait donné pour titre celui d'une scène empruntée au Soulier de satin de Paul Claudel. On y voit l'ombre double de l'homme face à l'image de la femme projetée sur un écran, et on lit : " Mais moi, de qui dira-t-on que je suis l'ombre ? Non pas de cet homme ou de cette femme séparés, mais de tous les deux à la fois qui l'un dans l'autre en moi se sont submergés. "
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Espace de projection, IRCAM, Paris Le 28/11/2001 Françoise MALETTRA |
| Ouverture du cycle des concerts de midi à l'IRCAM avec Pierre Boulez.
| Pierre Boulez : Dialogue de L'Ombre Double (version pour saxophone et électronique)
Vincent David (saxophone)
Régie informatique : Andrew GERZSO
Technique IRCAM | |
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