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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Leçons de Ténèbres au Val-de-Grâce, Paris.
L'expérience des Ténèbres
Chaque année, « Le Concert Spirituel » d'Hervé Niquet et la ville de Paris restent fidèles à la tradition qui, sous Louis XIV, faisait courir le bon peuple de la ville de chapelle en église, lors de la Semaine Sainte, pour entendre Les Leçons des Ténèbres. Avec, chaque année, le même bonheur.
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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Ces « Lamentations » sont attribuées dans l'Ancien Testament au prophète Jérémie : méditations sur la destruction, au sixième siècle avant J.C, du Temple de Jérusalem, présentée comme « la punition de l'orgueil d'Israël », où il est question de châtiments, de ruines et de malheurs, mais aussi d'avertissements, d'instructions et de discours propres à l'édification des croyants. Si Lambert, Charpentier, Brossard, Couperin et Delalande y trouvèrent des moments d'inspiration sublimes, Jean Gilles les chargera d'une humanité débordante d'une immense compassion qui donnera à sa musique un caractère très spécifique. Ce provençal qui deviendra maître de musique à la Cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence, puis à la Cathédrale Saint-Etienne de Toulouse où il terminera sa courte vie, laisse une production exclusivement religieuse (2 Messes, 34 Motets) et ces Lamentations destinées aux trois jours précédant la célébration de Pâques, sans doute son chef d'oeuvre. Elles apparaissent comme de magnifiques poèmes en prose, où les voix profèrent le texte sacré entre déploration et imploration, soutenues par les instruments qui décrivent et commentent avec une douceur mélodique égale, toute en mélismes et en souples figures harmoniques, laissant souvent le théorbe prendre la parole pour accentuer et dramatiser l'extraordinaire récit qui nous est une nouvelle fois donné à entendre.
Spécialiste du Grand Motet à la française, Hervé Niquet et ses musiciens ont eu l'excellente idée de satisfaire à une envie trop longtemps différée de faire alterner les Lamentations de Jean Gilles avec trois pièces commandées à trois compositeurs contemporains, Patrick Burgan, Thierry Escaich et Elias Gistelinck, en les soumettant la même thématique obligée. L'objet était de « confronter la musique baroque à la musique de notre temps, en reliant les principes de composition de deux époques à partir de critères précis : l'emploi d'un effectif de quatre solistes, cordes et continuo, correspondant à celui de l'oeuvre de Jean Gilles ». Et qui plus est, de les placer devant des contraintes techniques sensiblement similaires à celles des musiciens des XVIIIème et XVIIème : un temps réduit pour la composition, un temps réduit pour les répétitions ! Et le résultat fut surprenant.
Dans l'église du Val-de-Grâce, conçue comme un décor de théâtre baroque, avec les impressionnants pilastres du choeur , le baldaquin de Mansard inspiré de celui du Berlin de Saint-Pierre-de-Rome, la coupole de Mignard et la marqueterie de marbre du pavement, il y avait une atmosphère de totale intemporalité. La rencontre fusionnelle semblait s'établir tout naturellement entre la vocalité tendue de Tristis de Patrick Burgan, la montée en puissance mais en énergie contrôlée de Terra dolorosa de Thierry Escaich, avec ses sonorités presque archaïques, ou la Méditation sur le Carême d'Elias Gistelinck, annoncée par un choral sur une ancienne complainte orientale, et variée dans l'antienne sur le cantique d'Ezechias, seul lueur d'espérance malgré la supplique du prophète : « Mes yeux faiblissent à force de regarder le ciel
». La réussite de « l'expérience » devait beaucoup à la qualité des interprètes, de tous les interprètes, tous rompus à l'exercice baroque, et pour certains d'entre eux à celui de l'écriture contemporaine. Lorsque la musique (sacrée ou profane) génère une euphorie aussi palpable dans le public, au soir d'un grand départ de week-end prolongé, on peut légitimement s'interroger
mais après avoir tout simplement céder au plaisir.
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Eglise du Val-de-Grâce, Paris Le 29/03/2002 Françoise MALETTRA |
| Leçons de Ténèbres au Val-de-Grâce, Paris. | Le Concert Spirituel
Direction : Hervé Niquet
Marie-Louise Duthoit (soprano), François-Nicolas Geslot (haute-contre), Cyril Auvity(ténor), Renaud Delaigue (basse).
Hélène Houzel & Olivier Briand(violons), Judith Depoutot (alto), Tormod Dalen (violoncelle), Massimo Moscardo (théorbe), Hervé Niquet(orgue).
JEAN GILLES( l668-l705) : Velum Templi scissum est – Lamentations du Mercredi Soir
PATRICK BURGAN (l96O) : Tristis
JEAN GILLES : Lamentations du Jeudi Soir
THIERRY ESCAICH (l965) : Terra dolorosa
JEAN GILLES : Lamentations du Vendredi Soir
ELIAS GISTELINCK (l935) : Méditation sur le Carême (choral – Antienne) | |
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