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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Récital de Ruggero Raimondi au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
Grand monsieur à la mèche blanche
Ruggero Raimondi
Ruggero Raimondi était en récital, le 6 octobre dernier, à Paris. L'événement était à la taille du mythe, car le baryton, Don Juan cinématographique de légende, est un des derniers monstres sacrés de la scène lyrique, et c'est à ce titre que l'attendait un public tout acquis. La mèche blanche est toujours conquérante, la prestance inentamée.
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La voix a vieilli, certes, mais comment pourrait-il en être autrement ? Son incontestable métier permet au chanteur d'éviter les écueils les plus redoutables du programme, même si le timbre manque désormais de précision et de nuances, même si le souffle est moins contrôlé que par le passé. La première partie du récital a du mal à décoller, le baryton avançant prudemment dans un programme italien ni très connu, ni vraiment passionnant, passablement plombé par l'accompagnement peu spirituel de Mme Beckman.
Grand acteur, Raimondi mise alors sur l'expressivité, mais voilà : il en fait trop. Ce n'est pas une mauvaise idée pour Mi lagnero tacendo de Rossini, sorte d'exercice de style à la Queneau. En revanche, le programme de mélodies françaises – Chansons Gaillardes suivies du Bestiaire de Francis Poulenc –, dans sa fulgurance ironique, exige une finesse du traitement rythmique et syntaxique qu'interdit une prononciation pour le moins exotique – les je, les en ou an sont à peu près incompréhensibles – et une voix aux couleurs désormais atténuées. Du coup, le mot ne vit pas et la mélodie tombe à plat.
A la rigueur, il eût été préférable que le baryton s'en tienne aux grands airs d'opéra puissamment expressifs qui ont fait sa réputation et qu'attendait le public, plutôt que de bousculer, au grand dam des oreilles françaises et sans résultat vraiment probant, des mélodies de cristal et de glace qui exigent des voix dans tout l'éclat de leur maturité.
Par contre, tout fonctionne mieux chez Kurt Weill qui, à la limite de la comédie musicale, admet bien plus volontiers le grand jeu expressionniste, les rugissements et les froncements de sourcils. Reste qu'au-delà des inévitables critiques, on a le privilège d'entendre l'une des personnalités les plus impressionnantes et en même temps les plus attachantes du monde lyrique, et que cela demeure un pur bonheur.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 06/10/2003 Anne-Béatrice MULLER |
| Récital de Ruggero Raimondi au Théâtre des Champs-Elysées, Paris. | Piccinni, Respighi, Puccini, Verdi, Pizzetti, Rossini : airs d'opéras
Poulenc : Chansons gaillardes, Le Bestiaire
Ruggero Raimondi, baryton
Ann Beckman, piano
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