|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
|
Par définition, un théâtre est un espace clos, fini. Que demander donc à une mise en scène, sinon d'au moins pousser les murs et d'abolir les cloisons ? Pour remplir ce contrat, Jean Pierre Vincent et Jean Paul Chambas ont créé de larges perspectives en s'inspirant d'une esthétique dépouillée à la de Chirico. Mais leur verve créative s'est, semble-t-il, tarie après cet acte de bravoure. Toutefois, il y a peut-être ici un filon à creuser : à quand un Lucio Silla restylé Mondrian et un Idomeneo furieusement tendance Chagall ? Peu coutumier des scènes lyriques, Jean Pierre Vincent a opté pour la prudence côté mise en scène. Il se contente de planter le décor et d'orchestrer de rares mouvements de troupes parmi les figurants, à l'issue de longues périodes d'immobilités. Même sobriété du côté des chanteurs, seulement astreints à quelques génuflexions sporadiques. Étrangement, l'ensemble paraît beaucoup plus figé que le moindre tableau de David. À tout prendre, cette mise en scène économe est préférable à bien des transpositions douteuses. Jean Pierre Vincent a choisi de s'effacer devant la musique, rendons lui au moins ce bon goût-là .
Mais justement, son jeune compère musicien lui aussi a choisit de s'effacer devant la partition. Au début, on est agréablement surpris par le volume et la dynamique de l'orchestre qui remplit une salle souvent surdimensionnée pour les formations sur instruments d'époque. Mais l'opéra dure plus de trois heures et l'on réalise vite que Christophe Rousset a brûlé toutes ses cartouches dès la moitié du premier acte. Mitridate est une oeuvre complexe et riche en rebondissements. Le chef n'en a cure et applique le même traitement énergique ou semi-suspendu à chaque épisode. Il est indifférent à toute progression dramatique. Plus surprenant, il méconnaît toute notion d'agogique, c'est-à -dire de modification transitoire du tempo pour souligner un événement quelconque de l'action. Dès lors, la monotonie est garantie et l'on aimerait être "Mithridatisé" contre un poison si lancinant. Heureusement, la distribution vocale elle soutient l'attention. Les Italiennes Ciofi et Frittoli brillent par leur engagement et leur sens dramatique, sinon par la précision de leurs vocalises. Plus exacte mais non moins passionnée, Sandrine Piau confirme son talent de Mozartienne. Brian Asawa est un Farnace agile et juste. Seul Sabbatini s'est trompé de scène, son style vériste et son timbre nasal hypertrophié détonnent ; mais finalement pas moins que ce chef qui dirige droit dans ses bottes, même un 1er avril !
| | |
|
Théatre du Châtelet, Paris Le 01/01/2000 Eric SEBBAG |
| Nouvelle production de Mitridate au Théâtre du Chatelet, Paris. | Mitridate, Re di Ponte de W.A. Mozart
Direction musicale : Christophe Rousset- Mise en scène : Jean-Pierre Vincent- Décors : Jean-Paul Chambas- Costumes : Patrice Cauchetier- Les Talents Lyriques.
Avec Giuseppe Sabbatini (Mitridate)- Patricia Ciofi (Aspasia)- Barbara Fritoli (Sifare)- Brian Asawa (Farnace)- Sandrine Piau (Ismène)- Anne-Lise Sollied (Arbate)- Marc Tucker (Marzio) | |
| |
| | |
|