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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 mai 2025 |
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Concert de l'Orchestre de l'Opéra de Rouen sous la direction de Marc Minkowski, avec la participation de la soprano Mireille Delunsch à l'Opéra de Rouen.
Leurs quatre premiers Lieder
C'est bien plus que la complicité musicale qui unit Mireille Delunsch et Marc Minkowski. Monteverdi, Lully, Rameau, Mozart, Offenbach, et surtout Gluck ont révélé leur gémellité théâtrale. Et voilà que pour son premier Strauss à lui, ils osent ce qu'il y a de plus purement hédoniste : les Vier Letzte Lieder. Inattendu, dans le meilleur sens du terme.
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Il y a de l'histrion chez Marc Minkowski, les frontières du ridicule presque franchies ; Stanislas Lefort n'est parfois pas bien loin. Cela ne va pas, d'abord, sans efficacité dans l'Ouverture de Leonore, animée de qualités bien connues, de texture présente, de couleur élégante, avec lesquelles l'orchestre de l'Opéra de Rouen se montre sous son meilleur jour. Contrastes soulignés, discours qui va de l'avant, mais aussi une véritable culture du son, comme un effet de loupe sur chaque cellule mélodique.
Mais l'enthousiasme s'évanouit avec la première mouture si rarement entendue de l'aria de Leonore qui n'apparaît, ici maltraitée, qu'en brouillon maladroit de Fidelio, avec son récitatif anodin, sa ligne plus virtuose, hésitante, et sa cadence incongrue, bâclée par une mise en place hasardeuse, basson et cors n'y mettant vraiment pas du leur. L'absence de pulsation commune entre la chanteuse et le chef, qui pense étrangement sautillant, prive la prière de cohérence. Malgré le malaise de la découverte, Mireille Delunsch captive : de port, les cheveux si courts à peine remis de Theodora et qui promettent toutes les épreuves de l'Amour conjugal, de voix, longue et souple sans effort malgré l'aigu un peu fuyant, et de mots enfin, de consonnes admirablement chantées.
L'Inachevée de Schubert montre un Minkowski encore vert, s'agitant en tous sens. Le premier mouvement à l'allure d'un train de campagne, souriant face aux obstacles, en contrastes assénés. Si l'orchestre s'y perd, la clarinette solo de Gaëlle Burgelin n'en paraît que plus miraculeuse. Il faut attendre le deuxième thème de l'Andante con moto pour ressentir Schubert un minimum, même si les premiers violons patinent et les cuivres démarrent toujours trop tard. Il manque cruellement à cette lecture à la mesure une véritable ossature.
Ce n'est pas faire injure à Offenbach de dire que l'ouverture des Rheinnixen, qui deviendra la plus célèbre Barcarolle quinze ans plus tard et qui n'est pas ce qu'il y a dans l'oeuvre de plus remarquable, pâlit de l'entourage. C'est tout à l'honneur de Marc Minkowski, pourtant, de lui confronter ces Fées du Rhin, manifeste romantique s'il en est. L'orchestre y paraît malheureusement peu concerné, et de flûte triviale.
L'extrême lenteur des Quatre derniers Lieder
Sans doute se prépare-t-il à l'exploit de tenir la lenteur extrême qu'a voulue Minkowski à ses Quatre derniers Lieder, jusqu'à habiter les quasi dix minutes de Im Abendrot. La gestique, enfin sans artifice, trouve le ton juste de l'adieu, son ampleur, ses couleurs épanouies, qui pourraient être plus fouillées, plus détaillées encore, si l'orchestre pouvait mieux que suivre, ce qui est déjà beaucoup, là où certains pupitres – premiers violons encore, cors toujours – se relâchent parfois. Singulière, envoûtante, Mireille Delunsch sculpte une lente et paisible agonie, estompant la lumière scintillante de Frühling, en courbes purement instrumentales, empruntant ses couleurs aux violon, violoncelle, hautbois, comme fondue dans la masse orchestrale, ténue, à peine timbrée, et de souffle frémissant comme suspendu, d'un Seele, d'un Tod bouleversants d'intériorité.
En bis, Frühling confirme à nouveau, mais plus épanoui, plus aéré, les ressources étonnantes, versatiles, de la soprano, et surtout les promesses d'un chef plus que jamais en quête de nouvelles identités.
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Opéra, Rouen Le 26/11/2004 Mehdi MAHDAVI |
 | Concert de l'Orchestre de l'Opéra de Rouen sous la direction de Marc Minkowski, avec la participation de la soprano Mireille Delunsch à l'Opéra de Rouen. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Leonore (ouverture)
Récitatif et aria : Ach, brich noch nicht, du mattes Herz ; Komm, Hoffnung, lass den letzten Stern
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie n° 8 en si mineur, « inachevée »
Jacques Offenbach (1819-1880)
Les Fées du Rhin (ouverture)
Richard Strauss (1864-1949)
Quatre derniers lieder
Mireille Delunsch, soprano
Orchestre de l'Opéra de Rouen
direction : Marc Minkowski |  |
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