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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production du Couronnement de Poppée de Monteverdi mise en scène par David Alden et dirigée par Ivor Bolton au Palais Garnier, Paris.
Laideur et caricature
Venue du Welsh National Opera de Cardiff via l'Opéra de Munich, cette production du Couronnement de Poppée selon David Alden au Palais Garnier choque par sa laideur et une approche exagérément caricaturale de tous ses personnages. Et au beau milieu de tout cela, l'interprétation musicale peine à faire oublier tant de contresens.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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La question que l'on se pose à l'issue de ce spectacle est de savoir par quelle aberration un opéra marqué si ostensiblement par toute la finesse, l'érotisme, subtile même dans la crudité du verbe, l'esthétisme évolutif de la Renaissance italienne, a pu inspiré des images d'une telle laideur aux signataires des décors et des costumes, et une direction d'acteur dans l'ensemble aussi superficielle et vulgaire au metteur en scène.
Comment écouter en paix du Monteverdi devant ces structures sans âme, tranchantes, qui oscillent entre le mur géant d'une salle de bain et la vitrine d'une grande surface d'ameublement de banlieue provinciale américaine, avec des verts fluo, des jaune citron, des mandarine agressifs ? Comment croire un instant à ces personnages aux tenues disparates, moches, illisibles, triviales, empruntées à la bande dessinée – une fois de plus ! – ou d'une sensualité de bas étage ?
On en a vite assez de ces comportement fabriqués, sans vraie signification dramatique, qui sont un cache misère, un faux alibi à réel travail d'acteurs fondé sur la musique et le drame. On balance des images que l'on croit choc, sans rien construire. Et tout cela paraît terriblement daté, avec des relents de « nouveau théâtre à la saxonne fin années 1980 ». Seul le personnage de Néron, sorte d'halluciné fragile, hystérique, amoureux perdu dans un rêve de despote absolu, parvient à prendre corps, grâce notamment à la voix étrange mais très théâtrale, surtout à la fin de la représentation, du contre-ténor Jacek Laszczkowski.
En Poppée, la sculpturale Anna Caterina Antonacci est dramatiquement sous-employée, ne jouant que les vamps qui montre ses jambes ou les courbes avantageuses de son corps. Tous les autres, y compris l'excellent Christophe Dumaux en Ottone sont trop caricaturaux pour ne pas lasser très vite, voire exaspérer. Reste le cas de Dominique Visse, lancé dans un fabuleux numéro de travesti, que l'on peut juger tout aussi bien génial qu'excessif et hors de propos.
Distribution sans unité stylistique
Vocalement, les joies sont trop moyennes pour racheter ce désastre visuel. Monica Bacelli (Ottavia), Miah Persson (Drusilla) chantent bien, mais personne, pas même la Antonacci aux si beaux moyens, ne marquera les mémoires. Difficile sans doute d'échapper, même inconsciemment, à la laideur visuelle ambiante ! D'autant que chacun chante selon son style propre. Somptueux, Robert Lloyd est un Sénèque de grand opéra, en contraste total avec les contre-ténors, dont style et voix ne s'accordent pas avec ceux de leurs partenaires plus lyriques.
Ivor Bolton, rigoureux avec ses musiciens, semble laisser le plateau faire à sa guise. Un moment d'émotion quand même, qu'il aura fallu mériter : l'Adieu à Rome d'Ottavia et le duo final de Poppée et Néron, malgré ces grotesques lustres montgolfière de pacotille – pour faire luxueux – sur fond de scène à damiers noir et blanc – pour faire moderne.
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Les songes de NĂ©ron
Créé en 1997 à l'Opéra de Munich mais présenté pour la première fois à Paris, ce Couronnement de Poppée laisse une permanente impression de déjà -vu. Sans doute parce que David McVicar, ordonnateur de la récente production du TCE, ne s'est pas gêné pour y puiser une inspiration tarie. Rendons à David Alden les lauriers de son épatant cynisme.
Le metteur en scène américain s'est vraisemblablement souvenu que le livret et la partition de l'Incoronazione portait le titre d'Il Nerone : si l'Amour tire bien les ficelles de cette sombre histoire de pouvoir, Nerone et ses délires, ses visions de tyran imbibé de poésie, sa féminité sauvage, ses caprices masturbatoires, sont l'enjeu majeur d'un univers sordide, aux éclairages crus, aux décors miteux, aux costumes criards.
Mais de l'hétéroclite, des excès de mauvais goût, David Alden saisit l'esprit d'un opéra vénitien en son laboratoire le plus abouti. Par son cynisme le plus douteux, le plus outrancier, il tend la main à Giovanni Francesco Busenello, et, dans un couronnement fantoche, lui jette des regards complices.
Le comique même devient ressort tragique, qui ne néglige en rien la solitude des derniers instants de Seneca, et, plus fulgurants encore, les adieux d'Ottavia, réduite au néant d'une robe noire sur un damier hypnotique. Une lecture cruelle jusqu'à la violence : ainsi d'une Poppea réduite à ses formes les plus sculpturales, comme énième caprice poétique de l'empereur.
Face à une Antonacci à qui ses limites vocales interdisent d'être une Poppea sublime, Jacek Laszczkowski saisit de son timbre étrange, sopranisant jusqu'au plus diaphane, en aigus dardés et graves atones, les plus troublantes ambiguïtés de ce Nerone fantomatique, quasi-vampire, en féminité trouble et virilité bouillante, portrait majeur d'une production majeure.
Mehdi Mahdavi (17/02/05)
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Palais Garnier, Paris Le 26/01/2005 GĂ©rard MANNONI |
| Nouvelle production du Couronnement de Poppée de Monteverdi mise en scène par David Alden et dirigée par Ivor Bolton au Palais Garnier, Paris. | Claudio Monteverdi (1567-1643)
L'Incoronazione di Poppea, opéra en un prologue et trois actes (1642)
Livret de Giovanni Francesco Busenello
Solistes du Freiburger Barockorchester
Monteverdi-Continuo-Ensemble
direction : Ivor Bolton
mise en scène : David Alden
décors : Paul Steinberg
costumes : Buki Shiff
Ă©clairages : Pat Collins
Avec : Anna Caterina Antonacci (Poppea), Diana Axentii (Coro d'amori), Jaël Azzaretti (Pallade / Damigella / Coro d'amori), Monica Bacelli (Ottavia), Lucia Cirillo (La Virtu / Venere / Coro d'amori), Valérie Gabail (Amore), Miah Persson (La Fortuna / Drusilla / Coro d'amori), Antonio Abete (Mercutio / Littore / Famigliare di Seneca / Console), Barry Banks (Valetto), David Bizic (Console), Christophe Dumaux (Ottone), Kacek Laszczkowski (Nerone), Topi Lehtipuu (Liberto / Secundo soldato pretoriano / Tribuno), Robert Lloyd (Seneca), Xavier Mas (Tribuno), Guy de Mey (Lucano / Prima soldato pretoriano / Famigliare di Seneca), Dominique Visse (Arnalta / Nutrice / Famigliare di Seneca). | |
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