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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Version de concert de l'Anima del Filosofo de Joseph Haydn sous la direction de Ton Koopman à la Maison de la Radio, Paris.
La force expressive d'un Orfeo posthume
L'année 2009, bicentenaire de la mort de Joseph Haydn, offrira-t-elle l'occasion de voir enfin sur une grande scène parisienne un opéra du maître d'Esterháza ? Pour l'heure, le cycle que lui consacre le Philharmonique de Radio France s'achève avec une version de concert de l'Anima del Filosofo ossia Orfeo ed Euridice, oeuvre posthume défendue avec passion par Ton Koopman.
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Salle Olivier Messiaen - Maison de la Radio, Paris
Le 19/05/2006
Mehdi MAHDAVI
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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L'Orfeo de Haydn aurait-il connu la même fortune que ceux de Monteverdi et Gluck si le Lord Chamberlain de Londres en avait permis la création en accordant à un King's Theatre flambant neuf la licence lui autorisant de présenter des opéras italiens ? Le statisme du livret, contraignant le compositeur à une certaine rigidité formelle, tout en éludant les épisodes les plus significatifs du mythe, incite à en douter, malgré la suprême beauté de la majorité des airs, de choeurs annonçant les grands oratorios, et la qualité expressive des récitatifs accompagnés.
Vraisemblablement inachevé, l'Anima del Filosofo fut enregistré à Vienne en 1950, avant d'être porté à la scène au Mai musical florentin de 1951, sous la direction d'Erich Kleiber, avec Boris Christoff dans le rôle de Creonte et Maria Callas en Eurydice. L'opéra posthume de Haydn devint dès lors affaire de prima donna, puisque Joan Sutherland s'empara du rôle de l'épouse d'Orphée en 1967, en y ajoutant la partie plus spectaculaire encore du Génie, avec ses cascades de notes piquées et de suraigus capables de mettre le public en transe. Après avoir abordé la seule Eurydice sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, Cecilia Bartoli suivit la diva australienne dans cette voie pyrotechnique, aussi bien au disque qu'à la scène, notamment pour sa dernière apparition parisienne dans un opéra en version intégrale.
La distribution féminine réunie à Radio France par Ton Koopman ne pouvait se prévaloir d'un tel luxe. Révélant des chatoyances, et surtout une expressivité insoupçonnées, qui lui inspirent de lumineux murmures, l'Eurydice de Lisa Larsson, sans vraiment dominer une tessiture sollicitant fréquemment le bas du registre, l'emporte par son exquise sensibilité. Le Génie n'est en revanche qu'affaire d'abattage, et celui de la jeune Daphné Touchais demeure bien limité, quand le suraigu manque d'épanouissement et la vocalise de pure jouissance virtuose.
Souvent éclipsé par ces acrobaties scintillantes, le rôle d'Orphée recouvre ici toute sa splendeur. D'une tessiture redoutable couvrant deux octaves, il fut composé pour le fameux Giacomo Davide (1750-1830), ténor capable de rivaliser avec les castrats sur le terrain de la virtuosité, dont le fils Giovanni, assumant son glorieux héritage, devait être l'un des interprètes fétiches de Rossini, aux côtés d'Andrea Nozzari, qui fut également son élève.
L'Orphée idéal de Paul Agnew
Grâce à son timbre singulier de baryténor aux suaves raucités, Paul Agnew apparaît comme l'interprète idéal du chanteur thrace. Ses aigus clairs, ses graves superbement timbrés et présents, ses coloratures conquérantes excusent quelques écarts de justesse et des tenues parfois vacillantes. D'autant que l'art de l'interprète – ou plutôt son instinct profondément artiste, tant le maniérisme, la pose baroquisante semblent étrangers à ce chant d'un naturel quasi empirique –, atteint des sommets de conviction, d'investissement dans la moindre syllabe comme dans la moindre note, jusque dans un dernier air où il parvient à exprimer le tourment le plus vif, malgré un traitement musical passablement guilleret.
Dans la partie non moins variée de Creonte, l'inamovible Klaus Mertens lui fait une réplique solide, affrontant les pièges d'une tessiture particulièrement haute avec plus de métier que d'éclat. Entraînant, le geste passionné de Ton Koopman achève de conférer à cette version de concert une force expressive peu commune. Pas plus que les Pages et les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, l'Orchestre Philharmonique de Radio France ne se montre irréprochable, mais visiblement conquis par le chef hollandais, il soigne les couleurs, et se montre prodigue d'élan.
Ainsi défendu, l'ultime opéra de Haydn, sans disputer à Monteverdi et Gluck leur suprématie sur le mythe d'Orphée, révèle tout son pouvoir émotionnel.
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