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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Bernard Haitink au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Un constat lucide et désabusé
Deuxième et dernière apparition du Philharmonique de Vienne au TCE cette saison. Après les hauts et les bas de Georges Prêtre en janvier, Bernard Haitink signe une 10e symphonie de Chostakovitch magistrale, traversée par la conscience d'un avenir sans espoir et portée par un orchestre éblouissant d'engagement.
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Avant de s'attaquer à Chostakovitch, Bernard Haitink parvient à prouver qu'un Mozart symphonique est encore possible à l'heure des géniales explorations sur instruments d'époque, et défend une 32e symphonie typiquement made in Vienna, toujours bien sonnante, bien construite, bien équilibrée, avec ce qu'il faut de mordant dans les attaques.
Dans le 1er concerto pour flûte, l'orchestre, un rien trop présent, plante ses balises métriques avec une certaine raideur, et Wolfgang Schulz, illustre soliste de la Philharmonie, adoré de Karajan qui l'exigeait en chef de pupitre, semble avoir perdu de sa légendaire aisance, dans un jeu nerveux et une sonorité empêtrée dans un vibrato lâche qui dénature la phrase mozartienne. On n'en tiendra pas rigueur à cet immense musicien presque au terme d'une carrière exemplaire.
Après la pause, les Viennois se lancent dans une 10e symphonie de Chostakovitch magistrale, où Haitink affiche une maîtrise intellectuelle et dramaturgique confondante, où la trajectoire d'ensemble ne sacrifie jamais le détail, où chaque accent trouve son juste impact. L'introduction du premier mouvement semble évoquer quelque contrée lointaine et légendaire, entre Tapiola et l'Oiseau de feu, puis le discours se construit en parfaite logique structurelle, et les multiples solos s'insèrent idéalement au tissu motivique.
De même, le climax du premier mouvement aura rarement été géré avec une telle maîtrise du flux dramatique, évitant toute chute de tension à l'aide de timbres idéalement cassants – les trompettes, la caisse claire – et d'une pâte sonore ne manquant jamais d'arêtes vives.
Rouleau compresseur
Dépassant la simple caricature de Staline, le deuxième mouvement troque un peu de son vitriol contre une infernale mécanique de rouleau compresseur, au tempo légèrement retenu mais à la scansion impitoyable et à la tension dans la répétition presque insoutenable, comme si finalement même le dictateur disparu, la menace de la tyrannie était toujours latente. Idem du troisième mouvement, au tutti de cors poignant et inquiet, n'annonçant en rien un avenir meilleur.
Même le Finale, après une introduction lente superbement méditative, semble vivre l'explosion de joie, l'éclat de la coda avec distance et un regard lucide et désabusé, comme en attente de la chute d'une épée de Damoclès.
Le Philharmonique de Vienne se lance à corps perdu dans cet univers sonore qui n'est pas a priori le sien, non sans quelques menus impairs. Car si certains pupitres sont phrasés avec un art inimitable – la clarinette, aux attaques tout en sfumato ; le basson et le hautbois, suprêmement musiciens et intuitifs – d'autres s'avèrent nettement plus inégaux – la flûte, au vibrato envahissant dans les forte ; le cor anglais, négligent de sonorité comme d'intonation ; le cor, châtié mais fragile d'embouchure.
Les cordes, en revanche, sont irréprochables et d'un engagement à toute épreuve, d'une densité permanente tant dans les attaques très au talon de l'archet – avec ces craquements de crin tout à fait idoines – que dans des piano jamais détimbrés et toujours riches en harmoniques aiguës.
Une détermination au service d'un Chostakovitch d'une maîtrise formelle et intellectuelle d'un rare niveau d'exigence, aussi éloignée de la géniale hystérie à la russe que du consensus mou occidental.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 14/06/2006 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Bernard Haitink au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 32 en sol majeur, K. 318 (1779)
Concerto pour flûte et orchestre n° 1 en sol majeur, K. 313 (1778)
Wolfgang Schulz, flûte
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 10 en mi mineur, op. 93 (1953)
Wiener Philharmoniker
direction : Bernard Haitink | |
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