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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Récital du violoniste Valery Sokolov accompagné au piano par Éric Ferrand-N'Kaoua dans le cadre des Concerts du dimanche matin de Jeanine Roze Production au Théâtre du Châtelet, Paris.
L'instinct et la passion
Grand succès remporté part le jeune Valery Sokolov au lendemain de son vingtième anniversaire. Pour son premier concert parisien, ce violoniste d'exception qui termine ses études au Royal College of Music de Londres, impressionne par les multiples qualités qu'il révèle. Une date importante dans sa jeune carrière.
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Il craignait quelque peu de fouler à son tour les planches de ce Châtelet où ses illustres compatriotes conquirent le public parisien au début du siècle dernier, mais il espérait tenir honorablement sa place dans l'histoire de la musique russe et de ce théâtre. Sur ce deuxième point, il peut être rassuré. Valery Sokolov a convaincu par sa sincérité, son investissement et les multiples qualités d'un jeu qui a toute la force de la jeunesse mais tout l'impact sans tâches des grands instinctifs de la musique.
Il faut certes beaucoup de travail pour arriver à 20 ans à pareille maîtrise de l'instrument, mais on sait que la plupart des jeunes virtuoses y parviennent aujourd'hui. Ce qui fait la vraie différence est ailleurs. Avec Valery Sokolov, on est effectivement confronté a tout autre chose, à la rencontre d'un authentique tempérament d'interprète, de ceux qui ont une sorte de maturité instinctive tant la musique fait physiquement partie de leur être. Aucun chiquet ni aucune affectation dans le comportement sur scène, mais dès que l'archet touche les cordes, violon et violoniste semble faits de la même chair, être aussi vivants l'un que l'autre, et vous emportent malgré vous dans leur passion partagée.
Le son est parfait, la justesse sans reproche, l'approche des oeuvres totalement convaincante. Qu'il s'agisse de la 2e sonate de Prokofiev, aux accents parfois évocateurs de la partition de Roméo et Juliette, de la 3e sonate d'Enesco avec ses rythmes, ses couleurs et ses langueurs « populaires roumaines », ses extraordinaires sons filés aux pianissimi miraculeux, ou encore de la si romantique Fantaisie de Schumann, c'est le même investissement, la même folle ardeur à brûler avec la musique, à nous faire brûler avec elle.
N'y a-t-il que dans cette Europe orientale que se forgent pareils tempéraments ? Car on songe immanquablement à la fabuleuse faculté de projection d'un Rostropovitch ou d'un Kissin, d'un Vadim Repin aussi. Bien sûr, le savant polissage des grandes académies occidentales est passé par la, pour la rigueur de la tenue d'archet, pour la pureté du style, mais encore faut-il être capable d'en faire pareil usage !
Valery Sokolov n'a rien d'un enfant prodige même s'il jouait déjà le grand répertoire à 10 ou 11 ans et s'il est lauréat d'une impressionnante collection de concours internationaux. Il a eu 20 ans la veille de ce concert. C'est maintenant que commencent pour lui les choses vraiment sérieuses. La plus grande carrière l'attend sans aucun doute
dès qu'il en aura fini avec les études, puisque ce musicien si passionnant et accompli achève juste de fignoler ses années d'apprentissage à Londres.
Jeanine Roze a eu le flair de nous le présenter en premier. Qu'elle en soit félicitée et remerciée. On attend maintenant un premier CD, élément indispensable aujourd'hui pour vraiment lancer une carrière et pour témoigner de toutes ces qualités alors qu'elles sont encore aussi fraîches et aussi spontanées.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 08/10/2006 Gérard MANNONI |
| Récital du violoniste Valery Sokolov accompagné au piano par Éric Ferrand-N'Kaoua dans le cadre des Concerts du dimanche matin de Jeanine Roze Production au Théâtre du Châtelet, Paris. | Prokofiev, Enesco, Schumann
Valery Sokolov, violon
Éric Ferrand-N'Kaoua, piano | |
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