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CRITIQUES DE CONCERTS 01 novembre 2024

Concert Murail-Carter-Reich dans le cadre de la thématique de la ville par l'Ensemble Intercontemporain sous la direction de Jonathan Nott à la Cité de la Musique, Paris.

Inquiétudes new-yorkaises
© Priska Ketterer

Jonathan Nott

Dans le cycle de la Cité de la musique, consacré à la ville et particulièrement à New York, l'Ensemble Intercontemporain donne à entendre deux oeuvres qui retracent la vie de la Big Apple. Qu'il s'agisse de la création des Légendes urbaines de Tristan Murail ou de City Life de Steve Reich, se dessine le portrait d'un environnement trépidant mais lourd d'angoisses.
 

Cité de la Musique, Paris
Le 21/11/2006
Laurent VILAREM
 



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  • Fondateur avec Gérard Grisey du courant spectral, Tristan Murail enseigne depuis 1997 à l'université Columbia de New York. Sa nouvelle pièce, Légendes urbaines, évoque véritablement sa ville d'adoption. Dans un malicieux texte de présentation, le compositeur décrit en effet ces trente minutes de musique comme une suite de vignettes sonores dont le modèle serait les Tableaux d'une exposition de Moussorgski. L'oeuvre est ainsi entrecoupée de « promenades Â» qui retracent un déplacement non à pied, mais en métro, car « dans Manhattan, les distances sont grandes Â».

    S'agit-il pour autant de musique à programme ? Oui, car la musique emmène sans états d'âme l'auditeur à Staten Island, Central Park – avec d'inévitables allusions à Charles Ives –, et peint même des joggers du dimanche ! Loin d'un simple effet pittoresque, ce parcours permet au compositeur français d'accoucher d'une de ses pièces les plus variées et les plus chaleureuses.

    On sent qu'il a assoupli son langage et lui a conféré une plus grande liberté de mouvement. Maître des atmosphères – on se souvient de son très prégnant Lac –, Murail est un grand orchestrateur, capable de prodiges ravéliens : son orchestre ressemble à un délicat essaim d'abeilles désuni, qui parfois brusquement s'assemble et tourbillonne dans l'air.

    La deuxième partie du concert revient à deux compositeurs nés à New York. Tout d'abord, le doyen, Elliott Carter, bientôt centenaire et dont la vénérable carrière ne nous aura pas empêché de nous ennuyer copieusement pendant son Concerto pour clarinette. Voilà une pièce qui a la particularité de faire évoluer son excellent soliste – Alain Damiens – dans les sens des aiguilles du montre, suivant qu'il joue avec les cordes, les cuivres ou les vents. On peut également relever une intéressante utilisation des percussions, mais si l'écriture questionne habilement la tradition classique du concerto, le résultat paraît daté, d'une époque où le langage musical semblait encore constitué. Dès lors n'existent ni l'imprévisibilité ni la personnalité que l'on est en droit d'attendre d'oeuvres actuelles qui se doivent de reconquérir leur propre langage.

    Reich entre audaces et naïvetés

    La personnalité de Steve Reich est en revanche reconnaissable entre toutes. City Life est véritablement le portrait de la vie urbaine new-yorkaise et il s'agit assurément de la page la plus aventureuse de son auteur. Composée en 1995, elle accumule les audaces et les naïvetés – deux synthétiseurs font entendre des bruits enregistrés tels que des klaxons, des claquements de porte, des freins de voiture, parfois d'un effarant prosaïsme – ; mais est également un hommage aussi enthousiaste qu'ambigu à la musique techno en son troisième mouvement.

    L'Ensemble Intercontemporain dirigé par l'excellent Jonathan Nott semble peu rompu à ce type d'exercice, comme en témoignent de nombreux décalages, tant au niveau des percussions que des échantillonneurs ou des cordes, qui engendrent des flottements dommageables. Néanmoins, dans le dernier mouvement consacré au premier attentat de 1993 au World Trade Center, dès l'entrée des bois qui paraissent sortir tout droit des Symphonies d'instruments à vents de Stravinski, les musiciens parviennent à donner à l'écriture de Reich une ampleur et une vraie charge dramatique.

    Le son distordu par des sirènes d'alarmes, revient l'image d'une ville où chacun apporte ses peurs et ses espoirs.




    Cité de la Musique, Paris
    Le 21/11/2006
    Laurent VILAREM

    Concert Murail-Carter-Reich dans le cadre de la thématique de la ville par l'Ensemble Intercontemporain sous la direction de Jonathan Nott à la Cité de la Musique, Paris.
    Tristan Murail (*1947)
    Légendes urbaines
    Création mondiale

    Elliott Carter (*1908)
    Concerto pour clarinette
    Alain Damiens, clarinette

    Steve Reich (*1936)
    City Life

    Ensemble Intercontemporain
    direction: Jonathan Nott

     


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