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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production des Noces de Figaro de Mozart mise en scène par Jean Liermier et sous la direction de Juraj Valcuha à l'Opéra de Lorraine.
Les Noces de Désiré
Si elle se réclame de la Règle du jeu de Jean Renoir, la nouvelle production des Noces de Figaro de l'Opéra national de Lorraine confiée à Jean Liermier évoque davantage Désiré de Sacha Guitry. Sous la baguette virtuose du jeune Juraj Valcuha, Patricia Petibon n'aurait d'ailleurs qu'un pas à franchir de Suzanne à Arletty.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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La référence explicite du metteur en scène Jean Liermer pour cette nouvelle production des Noces de Figaro de Mozart présentée à l'Opéra national de Lorraine est la Règle du jeu de Jean Renoir. Nous ne sommes donc plus près de Séville, à l'orée de la révolution française, mais au Château de la Colinière, alors que le monde s'apprête à entrer en guerre pour la seconde fois. Pourtant, lorsque s'ouvre l'objectif de la caméra sur une cuisine 1930 reconstituée avec art par Philippe Miesch, c'est plutôt Désiré de Sacha Guitry qui vient à l'esprit, où Figaro, Suzanne, Marcelline et Bartolo auraient les traits de l'auteur et de ses acolytes Arletty, Pauline Carton et Saturnin Fabre.
La transposition n'en est pas moins habile – contourner l'écueil du jardin en situant le dernier acte dans une cave est même une belle trouvaille –, parfois réjouissante, mais strictement inoffensive, ce qui ne serait pas un défaut à une époque où la plupart des mises en scène nécessitent un décodeur si cette Folle journée, où les domestiques n'ont de cesse de débouler sans préavis dans les appartements de leurs maîtres – a-t-on jamais vu cuisinier et son marmiton pénétrant dans la chambre d'une comtesse par la fenêtre ? –, ne menaçait d'y perdre son sel. Car plus d'une fois, les idées de Jean Liermier restent en friche – comment la Comtesse peut-elle supporter la présence d'un lièvre mort, trophée de chasse de son jaloux de mari, sur son lit, après avoir chanté Porgi amor en serrant contre elle un adorable lapin en peluche ? –, jusqu'à ce troisième acte qui, engoncé dans un vestibule, tombe carrément à plat.
De même, la direction d'acteurs, aussi boulevardière soit-elle, n'est souvent qu'à peine esquissée, soulignant les réflexes les plus maladroits des chanteurs. Et pourtant, que de « physiques du rôle » ! Avec son vrai air de Jean Piat, Nicolas Cavallier, acteur et diseur toujours sémillant, serait même beau comme un comte. Mais malgré ses efforts pour chanter clair et jeune au premier acte, son Figaro renoue avec ses regrettables habitudes de basse en quête de profondeur dès Se vuol ballare, s'interdisant tout legato dans un rôle qui fait heureusement la part belle au chant syllabique. D'une prestance égale, Jean-François Lapointe exhibe des aigus ravageurs, mais son beau baryton s'épanouit plus haut que celui du Comte.
Une Suzanne aux multiples atouts
De plus en plus souvent distribuée à des soubrettes montées en grade, la Comtesse bénéficie du grand soprano lyrique de Hiromi Omura, à qui font néanmoins défaut le frémissement de la ligne et cet indispensable soupçon de mélancolie dans le port et la diction. Gavroche joufflu, le Chérubin à la sa voix succulemment épicée de Diana Axentii est de ceux qui ont su s'attirer les faveurs de la cuisinière, tandis que Patricia Petibon n'a, pour sa première Suzanne, que des atouts : le timbre juste assez piquant, la tessiture idéalement apprivoisée, la caractérisation virtuose et variée, saupoudrée de ce charme un peu canaille qu'avait Arletty, et couronnée d'un Deh vieni, non tardar au ralenti funambulesque.
Complété par le Basilio presque trop bien chantant d'Avi Klemberg, malheureusement privé de son air, la Barberine au piani rêveurs de Kathouna Gadelia, le Bartolo bonhomme de Marcos Fink, et l'impossible Marcelline d'Anna Steiger, qui n'a plus de voix que de poitrine, ce plateau à l'équilibre fragile est mené avec un entrain irrésistible et un réel sens de la fusion des timbres par le jeune chef slovaque Juraj Valcuha, qui peine toutefois à maîtriser les ensembles, notamment le Finale du II, à la progression bousculée, et celui du IV, où la Comtesse arrive comme un cheveu sur la soupe.
Si la journée ne fut donc pas tout à fait folle, cette baguette plus que prometteuse, le Chérubin potelé de Diana Axentii et la Suzanne éclatante de rousseur de Patricia Petibon auront du moins égayé la noce.
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Opéra de Lorraine, Nancy Le 26/11/2006 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production des Noces de Figaro de Mozart mise en scène par Jean Liermier et sous la direction de Juraj Valcuha à l'Opéra de Lorraine. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le Nozze di Figaro, opera buffa en quatre actes (1786)
Livret de Lorenzo da Ponte d'après le Mariage de Figaro de Beaumarchais.
Choeur de l'Opéra national de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
direction : Juraj Valcuha
mise en scène : Jean Liermier
dramaturgie : Jean Faravel
décors : Philippe Miesch
costumes : Werner Strub
éclairages : Jean-Philippe Roy
continuo : Anne-Catherine Bucher
Avec :
Jean-François Lapointe (Il Conte di Almaviva), Hiromi Omura (La Contessa di Almaviva), Nicolas Cavallier (Figaro), Patricia Petibon (Susanna), Diana Axentii (Cherubino), Anna Steiger (Marcellina), Marcos Fink (Bartolo), Avi Klemberg (Don Basilio), Simon Kang (Don Curzio), Jean Ségani (Antonio), Kathouna Gadelia (Barbarina), Anne-Claire Raineri et Pauline Yon (Due ragazze). | |
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