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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Reprise de Siegfried de Wagner dans la mise en scène de Tankred Dorst et sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2007.
Bayreuth 2007 (3) :
Le réveil de Siegfried
Premiers frissons pour la deuxième journée du Ring de Dorst à Bayreuth, avec deux premiers actes très réussis et un engagement dramatique et musical enfin à la hauteur. Le Siegfried juvénile de Stephen Gould et le Mime hargneux de Gerhard Siegel dominent la distribution tandis que le geste toujours narcissique de Thielemann prodigue quelques très beaux moments.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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Il était temps ! Après un Or du Rhin et une Walkyrie laborieux, la production de Tankred Dorst trouve enfin son rythme de croisière grâce à une distribution engagée et une bonne construction dramatique. La salle de classe du premier acte est le lieu de l'instruction de Siegfried – mais l'enfant exubérant que campe Stephen Gould avec une justesse inattendue peut-il apprendre quoi que ce soit sur les bancs de l'école, hors de la vraie vie ?
Le Mime très « fort ténor » de Gerhard Siegel n'a pas assez de sa voix percutante et d'une éblouissante présence théâtrale pour lui enseigner la peur. Quelques trouvailles visuelles – la téléportation du Wanderer, le microscope du nain – achèvent de rendre captivant un acte il est vrai plutôt facile à réussir.
Dans la forêt, une autoroute en construction ne laisse debout que quelques souches ou quelques arbres éloignés, et lorsque des enfants viennent y jouer – promenons-nous dans les bois
– on voit où mène cette confrontation des mondes des Dieux et des hommes : il n'est peut-être besoin d'aucun crépuscule des Dieux pour que les hommes dépeuplent la terre de ses forêts, de ses légendes, de ses dragons, de ses ombres, de ses mystères.
C'est dans ce décor amer que l'Alberich décidément très convaincant d'Andrew Shore, toujours dans l'outrance vocale mais visuellement si bien conçu, se meut entre l'écureuil et le batracien, agile et rampant. Le Wanderer d'Albert Dohmen le contrecarre avec un superbe ascendant, tandis que, timbre un peu éteint comme une ombre de Windgassen et innocence touchante, le héros pour une fois réellement juvénile appelle sa mère dans une scène de pure rêverie.
Christian Thielemann y trouve un ton parfaitement juste, et, après deux préludes très évocateurs et un premier acte où la stabilité de l'agogique évitait de fait l'écueil du manque de structuration, sa direction toujours fouillée et fondue culmine dans des Murmures de la forêt de toute beauté. Point ici de ces affreux ralentis aux cadences comme dans la Scène de la forge, ni de ces mollesses du duo final à venir, rien que détails et délices.
Même le combat avec Fafner, l'excellent Hans-Peter König, plus noble que noir et d'une belle nostalgie au moment de mourir, semble particulièrement innervé dans ce Ring en mal de fougue. Il n'est plus qu'à l'Oiseau aigrelet de Robin Johannsen de faire quelques tours d'un gosier bien étroit sur un orchestre à tomber pour obtenir l'un des actes les plus inspirés depuis le début du cycle.
Un troisième acte nettement en-deçÃ
Il y a malheureusement un troisième acte, dans lequel la première scène est ici un long tunnel sans relief ni caractère, avec l'Erda vraiment trop légère de Mihoko Fujimura, pourtant toujours adulée du public, et un Wanderer qui passe son temps à lui cacher les projecteurs. Maladresse ou métaphore de la déesse du savoir perdant sa clairvoyance ?
La deuxième scène montre les limites d'un Siegfried dont le sib aigu s'échappe avec fracas d'un troisième registre périlleux – mais pourrait-il en être autrement avec ce médium large et blanc, expressif au demeurant, d'une douceur rare chez un Heldentenor ?
Puis la scène finale, qui pourrait être passionnante parce que le héros est si jeune, et que l'on voit enfin non pas un duo d'amour classique, mais une relation audacieuse entre cet enfant immature et cette femme vieille et sage, incestueuse et œdipienne, est malheureusement plombée par la mollesse de l'orchestre et le jeu pataud et prosaïque de la Brünnhilde de Linda Watson.
Douleurs articulaires, étirements voluptueux, fin de nuit trop courte ne tirent pas vers le haut une composition déjà un peu grossière et affublée d'une voix en mal de grâces, aux aigus courts – un contre-ut péniblement hissé un demi-ton trop bas. Et dire qu'on croyait tenir le bon bout
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