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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre National de France sous la direction de Seiji Ozawa au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le magnétisme d'Ozawa
Pour son grand retour face à l'Orchestre National de France au Théâtre des Champs-Élysées, le sorcier Seiji Ozawa prouve une fois encore dans la Pavane de Ravel, Mystère de l'instant de Dutilleux et dans une Symphonie fantastique de Berlioz maîtrisée plus qu'orgiaque qu'il n'a rien perdu de son pouvoir de fascination.
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La France aime Ozawa qui le lui rend bien depuis son triomphe au Concours de Besançon en 1959. Successeur de Charles Munch qui l'adouba à Boston, il présida aux destinées de l'orchestre pendant presque trente ans, en n'oubliant jamais non seulement le charisme de son prédécesseur, mais surtout son aisance à transcender la musique française.
A la tête d'un Orchestre National qu'il dirige à mains nues et de mémoire, le chef nippon est dans son élément. Dès les premiers accords de la Pavane pour une infante défunte, un climat s'installe qui rend justice à la couleur si particulière de l'écriture ravélienne. Dans un tempo relativement lent, avec ductilité, Ozawa sait dégager toute la subtilité, le rêve, la nostalgie de cette pièce envoûtante à l'origine destinée au piano.
Mystère de l'instant d'Henri Dutilleux, commande de Paul Sacher dans les années 1980, est devenu un classique. Rien d'hermétique sous cette direction inspirée, souple, brillante, où chaque instant prend une évidence poétique à mille lieues d'une étude pour orchestre. Les musiciens sont littéralement happés par le magnétisme du chef, habité tant spirituellement que physiquement.
L'engagement du corps – véritable liane sans cesse en mouvement – semble transmettre son énergie et la faire passer tout entière dans les veines d'un orchestre irradié. Henri Dutilleux ne tarit d'ailleurs pas d'éloges sur cette vision qui transfigure littéralement sa pièce et lui donne, grâce à l'intelligence de la perception, une dimension universelle.
Véritable credo de la modernité à son époque, la Symphonie fantastique de Berlioz n'a pas perdu de son impact et de sa force de persuasion depuis sa création en 1830 sous la direction de Habeneck dans la salle du Conservatoire. Ozawa sait, sans forcer le trait, se montrer non seulement précis sans être chirurgical, spectaculaire sans être exacerbé, tendu sans déclencher des cataclysmes inconsidérés.
Transparence du tissu orchestral
Son interprétation, construite, possède des qualités de style et de goût – malgré un Bal chorégraphique mais trop découpé – tout en insistant plus sur la transparence du tissu orchestral que sur la fièvre de la violence et de la passion. Cette manière de perfection à laquelle contribue chaque instrumentiste chauffé à blanc, convainc par la lisibilité du discours et séduit par la richesse des intentions.
Une telle élégance, une telle maîtrise, une telle aspiration vers le haut – la Scène aux champs – ont aujourd'hui peu de concurrents – hormis Sir Colin Davis, plus placide. La griserie orgiaque, les hallucinations de l'opium sont, malgré la démonstration flamboyante et les coloris les plus chatoyants, à rechercher sous d'autres baguettes – Munch, Beecham, Bernstein
Faut-il se plaindre pourtant que la mariée ait été si belle ?
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 04/10/2007 Michel LE NAOUR |
| Concert de l'Orchestre National de France sous la direction de Seiji Ozawa au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Maurice Ravel (1875-1937)
Pavane pour une infante défunte (1911)
Henri Dutilleux (*1916)
Mystère de l'instant (1989)
Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique op. 14 (1830)
Orchestre National de France
direction : Seiji Ozawa | |
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