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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Parsifal de Wagner mise en scène par Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Hartmut Haenchen à l'Opéra de Paris.
Le piège de Parsifal
Waltraud Meier (Kundry) et Christopher Ventris (Parsifal).
Alors que l'on attendait un vrai choc, la nouvelle production de Parsifal signée du sulfureux Krzysztof Warlikowski à l'Opéra de Paris est d'une vraie sagesse, comparée aux audaces absurdes dont a été récemment victime le dernier opéra wagnérien à Vienne et à Bayreuth notamment. On n'échappe pas au sacré si facilement.
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Sans doute excitée par un article très discutable publié dans un quotidien national le matin de la première et faisant état de protestations du public lors de la répétition générale, quelques spectateurs ont cru bon de huer l'équipe de production du spectacle au rideau final. D'une part, il n'est pas d'usage de commenter une répétition dans la presse, en particulier de façon négative. Cela ressemble trop à un procès d'intention ou, pourquoi pas, à une cabale. Il y en eut d'autres à l'Opéra de Paris.
Et puis, surtout, il faut vraiment mal connaître Parsifal pour trouver à redire à ce qu'en montre Krzysztof Warlikowski. Comme ceux qui vinrent en 1976 à la première du Ring à Bayreuth munis de sifflets à roulette pour siffler Boulez, Chéreau et Peduzzi, prouvant que munis de ce matériel, ils avaient d'avance condamné le spectacle, les mécontents de la Bastille étaient prêts à une mise à mort, quoi qu'il arrive. Que la vision d'Iphigénie en Tauride qu'avait donné le metteur en scène ait choqué est compréhensible. Mais que cette lecture à la lettre du texte et de la musique de Parsifal puisse irriter à ce point est absurde.
S'il est un reproche que l'on peut faire à Warlikowski, c'est plutôt d'être ici un peu ennuyeux par manque d'imagination et de hardiesse. On n'avait pas vu depuis longtemps cet opéra représenté de manière aussi figurative et linéaire, dans une sorte de mot à mot, faisant coller l'image à l'action. Comme si les racines chrétiennes et polonaises du metteur en scène l'avaient malgré lui contraint à respecter le message bizarre mais néanmoins sacré de Wagner. On ne s'arrache pas au Graal si facilement !
Ce n'est pas parce que la salle de la célébration ressemble au grand amphithéâtre de la Sorbonne, que les Filles-fleurs sont attablées à de petites tables genre boîte de nuit ni que l'enchantement du Vendredi Saint se limite à quelques plantes vertes que l'on raconte grand chose de nouveau ni de révolutionnaire sur l'oeuvre.
Si plusieurs images fortes impressionnent au premier acte grâce notamment aux mouvements de la tournette qui permet de beaux effets correspondant au crescendo des choeurs et de l'orchestre, tout repose ensuite sur l'art des chanteurs pour soutenir l'intérêt, et ce n'est pas le gentil repas familial réunissant à la toute fin les principaux protagonistes qui rehausse le ton général ni peut susciter le scandale.
Ah oui ! C'est vrai, il y ces deux minutes extraites d'Allemagne, année zéro de Rossellini projetées avant le prélude du troisième acte. Ce sont les brèves images de cet enfant blond errant dans un Berlin rasé qui ont provoqué hurlements et invectives dans la salle. On croit rêver !
Mais revenons à l'essentiel. Sans une distribution de tout premier ordre et une direction d'orchestre dans l'ensemble de haut niveau, ce Parsifal serait bien tristounet et sans grand relief. Même l'habituelle magie des décors de Malgorzata Szczesniak ne fonctionne qu'occasionnellement. On peut en outre s'interroger sur l'omniprésence de cet enfant qui regarde ce qui se passe et y participe parfois. L'œil de la pureté ? L'image de la régénérescence ? Celle du futur assuré de la lignée des chevaliers ? Au moins ces interrogations occupent-elles un peu l'esprit, même si le symbole n'est pas très clair.
Le grand moment de théâtre lyrique, on le doit à Waltraud Meier et Christopher Ventris dans leur affrontement du deuxième acte. On a connu et entendu la première en meilleure forme vocale, mais quelle magistrale présence, quelle force expressive, quelle justesse dans le moindre geste, le moindre mouvement, la moindre intonation ! Et quel charme ! Ventris lui donne une réplique superbe, vocalement et dramatiquement, idéal pour incarner la résistance d'airain qu'il oppose à la tentatrice. D'emblée, aucun doute ne subsiste, il ne cédera pas. Et pourtant, quel homme à sa place ne craquerait pas face à la Kundry de Meier !
Talent inné des chanteurs, mais aussi direction d'acteurs ancrée dans la vérité du texte et de la musique. Au même acte, très bien chanté par Evgeny Nikitin, le personnage de Klingsor est en revanche conçu et mis en situation de manière routinière, et l'effondrement de son univers figuré de façon minimaliste. Dommage ! Malgré les vraies qualités du Gurnemanz de Franz Josef Selig et de l'Amfortas d'Alexander Marco-Buhrmester, le troisième acte se traîne quelque peu, sans moments forts, sans progression dramatique suivant celle de la musique.
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Grande lecture de la partition ?
La direction de Hartmut Haenchen n'est guère attaquable. Claire, intelligente, exacte, équilibrée, elle sait utiliser les splendeurs d'un Orchestre de l'Opéra décidément somptueux. Est-ce pour autant une grande lecture de la partition ? Sans doute pas, surtout si l'on songe aux grands maîtres du passé en ce domaine. Les choeurs masculins sonnent comme il convient, amples, solides, musicaux. Regrettons néanmoins que les choeurs féminins du premier acte soient à la fois assez flous et d'une justesse approximative.
Soirée étrange, donc, décevante sous un angle, gratifiante sous un autre, minée d'avance par certains qui se sont trompés de cible et auraient mieux fait d'attendre une autre occasion pour attaquer non seulement un spectacle mais toute la politique artistique d'un directeur. Il est vrai que personne ne s'attendait à un Warlikowski aussi pieusement respectueux des rites de la mystique wagnérienne, une drôle de mystique d'ailleurs, où légende et vraie foi font si bon ménage. Il y a bien de quoi s'y perdre
Opéra Bastille, jusqu'au 23 mars.
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Opéra Bastille, Paris Le 04/03/2008 Gérard MANNONI |
| Nouvelle production de Parsifal de Wagner mise en scène par Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Hartmut Haenchen à l'Opéra de Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Parsifal, festival scénique sacré en trois actes (1882)
Livret du compositeur
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Hartmut Haenchen
mise en scène : Krzysztof Warlikowski
décors et costumes : Malgorzata Szczesniak
éclairages : Felice Ross
vidéo : Denis Guéguin
préparation des choeurs : Winfried Maczewski
Avec :
Alexander Marco-Buhrmester (Amfortas), Victor von Halem (Titurel), Franz Josef Selig (Gurnemanz), Evgeny Nikitin (Klingsor), Waltraud Meier (Kundry), Christopher Ventris (Parsifal), Gunnar Gudbjörnsson, Scott Wilde (Zwei Gralsritter), Hye-Youn Lee, Louise Callinan, Jason Bridges, Bartlomiej Misiuda (Vier Knappen), Adriana Kucerova, Valérie Condoluci, Louise Callinan, Yun-Jung Choi, Marie-Adeline Henry, Cornelia Oncioiu (Klingsors Zaubermädchen), Cornelia Oncioiu (Eine Altstimme aus der Höhe), Renate Jett (l'accompagnateur). | |
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