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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert du London Symphony Orchestra sous la direction de Valery Gergiev, avec la participation du pianiste Nelson Freire Ă la salle Pleyel, Paris.
Choc de titans
Unis à un orchestre d’élite comme le London Symphony Orchestra, les deux titans que sont le chef Valery Gergiev et le pianiste Nelson Freire donnent à la salle Pleyel, avec un programme massif consacré au 2e concerto de Brahms et à la 11e symphonie de Chostakovitch, un concert qui restera dans les mémoires.
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Tant au disque qu’au concert, le mariage d’amour entre le LSO et Valery Gergiev, son chef principal, continue sous les meilleurs auspices. Et quand s’y adjoint un soliste de l’envergure de Nelson Freire, tout mélomane touche au Nirvana. La manière dont le pianiste s’empare de la partition du 2e concerto pour piano de Brahms est si impérieuse et indiscutable qu’elle échappe quasiment à toute analyse, voire à toute description.
On songe à la puissance de pensée, à l’intelligence intuitive, à la force physique naturelle d’un Guilels ou d’un Richter, avec une sensibilité d’une autre nature, plus lumineuse, plus sensuelle, un peu moins rude, sans pour autant faire la moindre concession à une quelconque séduction superficielle. Le rapport à l’instrument est toujours aussi fabuleux de vérité, de maîtrise, de naturel.
Qu’il s’agisse des emportements virtuoses tout en contrastes des mouvements rapides ou de la rêverie mi-philosophique mi-amoureuse de l’Andante, c’est la même exactitude d’approche, la même féerie d’un toucher qui passe de l’éclat au velours, qui rivalise d’harmoniques avec l’orchestre ou au contraire semble le narguer de finesses qui lui sont propres.
Et l’on passe ainsi d’un mouvement à l’autre par toutes les humeurs, tous les climats que cette partition monumentale déploie comme une sorte de panorama des différents états d’âme typiques du compositeur. Valery Gergiev n’accompagne pas, ne suit pas, il vit totalement une aventure intégrée à celle du pianiste, chef, orchestre et soliste évoluant en une osmose assez fascinante.
D’ailleurs, alors que l’on considère souvent Gergiev comme un maître de l’emportement et du bouillonnement, comme un chef brûlant d’une ardeur permanente, voire excessive, il est intéressant de voir comment, en vérité, ses mains tendent bien plus souvent à calmer le jeu qu’à l’exciter. Gestique minimaliste retrouvée tout au long de cet autre monument qu’est la 11e symphonie de Chostakovitch.
Cette immense partition commémorant la révolution de 1905 et rendant hommage aux victimes de la brutale répression des troupes tsaristes, alterne systématiquement d’incroyables déchaînements sonores d’une richesse d’écriture fabuleuse, où vents et cordes s’unissent en des tourbillons d’une violence ravageuse, avec de larges plages introverties où chantent tristement le violoncelle ou les altos, avec ici et là , quelques citations populaires.
Les musiciens du LSO, tous les pupitres, sont splendides d’engagement, de qualité instrumentale, sachant répondre aux multiples intentions du chef qui détient et nous communique toutes les clés de cette musique riche, qui n’a rien à voir avec une simple partition à programme. Nous sommes au cœur des souffrances d’un peuple et d’un créateur pris au piège de sentiments cruels et contradictoires, finalement tout à fait intemporels.
Le sens des couleurs instrumentales de Chostakovitch et aussi de la puissance dramatique spécifique de chaque instrument sont exploités de façon splendide par Gergiev aussi apte à déchaîner la foudre qu’à nous entraîner dans les sombres méandres des espérances déçues, des idéaux écrasés.
Le choc d’interprètes aussi titanesques aura été l’un des moments les plus forts de cette rentrée musicale parisienne.
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Salle Pleyel, Paris Le 26/09/2009 GĂ©rard MANNONI |
| Concert du London Symphony Orchestra sous la direction de Valery Gergiev, avec la participation du pianiste Nelson Freire Ă la salle Pleyel, Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano et orchestre n° 2 en sib majeur, op. 83
Nelson Freire, piano
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 11 en sol mineur op. 103, « l’année 1905 »
London Symphony Orchestra
direction : Valery Gergiev | |
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