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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de l’Amant jaloux de Grétry dans une mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau et sous la direction de Jérémie Rhorer à l’Opéra Comique, Paris.
L’art du badinage
L’opéra le plus joué à la Cour de France en 1778 redevient un succès quelque deux cents cinquante ans après : l’Amant jaloux de Grétry est un de ces bijoux orfévré avec grâce, un condensé de l’esprit et de la musique française au siècle des Lumières. L’Opéra Comique en propose une vision pimpante, portée par la baguette pleine de fantaisie de Jérémie Rhorer.
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On l’appelait le Mozart français, ce qui est exagéré. D’ailleurs André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813), longtemps dans l’ombre, a souffert des comparaisons avec le génial Amadeus. Mais le voici revenu en grâce et remis à l’ordre du jour par le Centre de Musique baroque de Versailles.
Il occupe, entre le baroque et le préromantisme, une place charnière. Curieuse destinée : ce musicien d’origine liégeoise, au cours d’une vie d’une belle longévité, eut l’heur de plaire à Marie-Antoinette, à Voltaire dont il fut l’ami et à Napoléon : les grognards auraient, dit-on, chanté ses airs !
Marie-Antoinette, le Hameau de Trianon, les moutons de la reine bergère et beaucoup de mièvrerie ont pollué l’image de ce compositeur. Longtemps notre génération l’a connu uniquement à travers l’air O Richard que fredonne la vieille Comtesse dans la Dame de pique de Tchaïkovski. Richard cœur de lion, opéra de Grétry, fut pourtant à la fin du XVIIIe siècle un triomphe.
Avec ses dons mélodiques, toujours subtil et étonnant, Grétry possède le sens du leitmotiv qui deviendra si important chez Wagner. Rappelons que, parmi les musiciens favoris de Marie-Antoinette figurait Gluck qui fut son professeur de musique. Tout comme Mozart, l’œuvre de Gluck a oblitéré celle de Grétry et l’a fait passer au second plan.
L’Amant jaloux badine entre Marivaux et Beaumarchais sur un texte insipide qui mêle un Espagnol tonitruant, une veuve câline, une soubrette décidée et un chevalier servant hâbleur. « Ne soyez jamais volages, ne soyez jamais jaloux ! » : telle est la morale d’une intrigue pas du tout crédible, à la fois naïve et délicieuse.
Ce qui importe le plus c’est la musique pétillante qui en mille nuances exprime les palpitations de l’âme. Le résultat est plein de charme. La première représentation, de cet Amant jaloux revu et corrigé par le metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau avait été donnée à l’automne 2009 à l’Opéra royal de Versailles.
Les décors de toiles peintes de Thibaut Welchlin puisent dans l’esprit du château. Les fans de Versailles se plaisent à retrouver des détails architecturaux de pavillons familiers. Jérémie Rhorer et ses musiciens du Cercle de l’Harmonie s’amusent de cette fantaisie. Ils s’en délectent avec rigueur et humour, aidés par les voix fraiches de jeunes chanteurs excellents comédiens, notamment Magali Léger, Maryline Fallot ou encore le ténor canadien Frédéric Antoun.
Voici un délice d’une heure et demie, une redécouverte pimpante. Cette production mériterait une plus vaste audience.
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