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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Récital de Nathalie Manfrino et Roberto Alagna accompagnés par l’Orchestre de Belgique sous la direction de David Giménez Carreras dans le cadre des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
L’oxygène de Roberto
Pour leur avant-dernier concert de la saison, Les Grandes voix accueillaient au Théâtre des Champs-Élysées la jeune soprano française Nathalie Manfrino et Roberto Alagna pour l’un de ces programmes à deux qui sont l’une des recettes de succès de cette série lyrique. Un triomphe et une véritable bouffée d’oxygène dans la fin de saison parisienne.
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Au fil des années, Roberto Alagna est parvenu à imposer non seulement sa voix comme la plus indiscutable dans un répertoire de plus en plus large, mais à créer un lien bien particulier avec son public. Inutile de se bercer d’illusions et de rêves, de souvenirs d’un passé que la plupart de ceux qui l’évoquent ne connaissent que par le disque, de citer les grands noms de jadis comme si le présent était forcément en recul.
Alagna n’est pas un nouveau Thill ou un nouveau on ne sait qui. C’est le premier Alagna, avec sa personnalité à lui, tant vocale que scénique ou humaine, très certainement aussi brillante et irrésistible que celle des plus illustres anciens. La voix est somptueuse, riche, colorée, facile, de plus en plus puissante sur toute la tessiture, ce qui à l’évidence annonce une suite de carrière avec l’apport de rôles de plus en plus lourds.
Réjouissons-nous de pouvoir entendre un tel artiste, exceptionnel, attachant, au lieu de chercher partout ce qui pourrait bien être chez lui moins bien que chez tel autre du passé ou du présent. Certes, Jonas Kaufmann mérite aussi tous les superlatifs, mais avec une autre voix, une autre personnalité et de plus en plus un autre répertoire, car ses racines, sa culture, sa sensibilité sont autres.
Nous avons bien de la chance d’être confrontés à cette diversité. Abandonnons donc une fois pour toute la pratique des comparaisons aigres-douces qui n’intéressent en fin de compte que ceux qui ne sont pas capables de prendre un plaisir sans arrière-pensée en écoutant les plus belles voix du monde.
Car Roberto Alagna est bien sans rival aujourd’hui pour nous communiquer cette joie spontanée du beau chant, de l’investissement théâtral, mélange de science et de naturel, avec une dose majeure de générosité et de capacité viscérale à donner avec bonheur.
Et avec quelle voix ! Même si les airs et duos du Roméo et Juliette de Gounod constituant le programme de cette soirée ne sont pas toujours à leur avantage séparés du contexte général de la progression dramatique de l’œuvre, Alagna et Manfrino y mettent tant de conviction et s’y engagent si totalement qu’ils finissent par nous y faire croire et en tout cas par nous émouvoir.
Qualité absolue de la diction française, vaillance de l’émission, élégance du phrasé, richesse harmonique du timbre, le ténor bâtit sa propre légende que ceux qui chipotent aujourd’hui seront plus tard les premiers à porter aux nues, comme toujours dans notre pays.
Une exposition consacrée à Régine Crespin va rendre honneur au Palais Garnier à cette immense cantatrice qui eut aussi droit chez nous souvent à une certaine indifférence, à des critiques acerbes, quand ce ne fut carrément à des sifflets, alors qu’elle était une des reines de Bayreuth, du Metropolitan Opera et du Teatro Colon de Buenos Aires entre autres. Tirons-en les leçons qu’il faut !
Fort heureusement, le public d’Alagna l’adore et sait le lui montrer. D’où ce rituel de bouquets apportés à l’avant-scène, de saluts à cour aussi bien qu’à jardin, comme le font les danseurs mais rarement les chanteurs, ces multiples gestes d’amitié et d’affection réciproques. On sort de là avec le sentiment d’avoir non seulement entendu du chant du plus haut niveau, mais d’avoir participé à un échange affectif comme seuls les très grands chanteurs savent les faire naître avec leur public.
La jeune Nathalie Manfrino n’est plus à découvrir. Timbre radieux comme son physique, aigus resplendissants, vocalises aisées, sens des nuances qu’elle exécute avec une très grande maîtrise, voilà bien une Juliette idéale, dont les emplois se multiplient actuellement sur les plus grandes scènes du monde. Elle a aussi une sensibilité très fine et la vraie joie de chanter et de nous faire partager le meilleur de ce que la nature et le travail lui ont donné.
Des bis inattendus, comme d’habitude, seuls ou à deux, permettent aux deux artistes de conclure dans une bonne humeur générale et sans sophistication une de ces soirées qui secouent la tendance léthargique de tant d’autres. En fin de saison, c’est une bouffée d’air sous forme de magistrale leçon de chant.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 04/06/2010 Gérard MANNONI |
| Récital de Nathalie Manfrino et Roberto Alagna accompagnés par l’Orchestre de Belgique sous la direction de David Giménez Carreras dans le cadre des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Elysées, Paris. | Charles Gounod (1818-1893)
Roméo et Juliette
Ouverture
Ah ! Je veux vivre (Juliette)
De grâce… Ange adorable (Roméo et Juliette)
Introduction de l’acte II
L’amour, l’amour !... Ah ! Lève toi, soleil ! (Roméo)
O nuit divine ! (Roméo et Juliette)
Va ! Je t’ai pardonné… Nuit d’hyménée (Roméo et Juliette)
Dieu ! Quel frisson… Amour ranime mon courage (Juliette)
Le sommeil de Juliette
C’est là … Salut ! Tombeau… À toi, ma Juliette ! (Roméo et Juliette)
Nathalie Manfrino, soprano
Roberto Alagna, ténor
Orchestre national de Belgique
direction : David Giménez Carreras | |
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