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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Récital de la mezzo-soprano Joyce DiDonato accompagnée par l’Orchestre de l’Opéra de Lyon sous la direction de Kazushi Ono dans la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
DiDonato prend des risques
Trois mois à peine après son triomphal récital à l’original programme de mélodies, Joyce DiDonato était a nouveau sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées. Avec cette fois l’excellent Orchestre de l’Opéra de Lyon, elle proposait un répertoire où on ne l’attend pas forcément, avec un certain goût du risque.
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A priori, avec la voix, le charisme et la technique qu’elle a, elle peut tout se permettre. C’est du moins la conclusion à laquelle on en venait après son incroyable récital de mélodies, parfois un peu inégales musicalement, au printemps dernier, en ce même théâtre. Cette fois, on est moins catégorique. Drôle de programme en effet, à bien des égards.
D’abord, il est assez bizarre d’entendre une page symphonique en quatre mouvements découpée en rondelles, même s’il s’agit de la Sinfonietta de Poulenc, page sinon majeure, du moins très respectable et assez charmante. Deux mouvements, puis deux airs de Mozart, puis les deux derniers mouvements !
Étrange, décidément, d’autant que Poulenc ne met nullement les Noces de Figaro en perspective et que les Noces ne mettent nullement en perspective Poulenc. Joyce DiDonato avait en effet choisi une sorte de retour sur son passé, avec le Non so più de Chérubin et le Deh vieni non tardar de Suzanne.
Reconnaissons que cela venait comme une perruque XVIIIe sur le potage au milieu de la Sinfonietta, laquelle, au demeurant, était fort bien interprétée par l’excellent Orchestre de l’Opéra de Lyon sous la baguette de son chef permanent Kazushi Ono. La formation orchestrale invitée était cette fois à la hauteur de la soliste, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Et puis, Joyce DiDonato a-t-elle raison de se tourner vers ce répertoire où, aujourd’hui, bien d’autres chantent cela tout aussi bien sinon mieux, sans parler du passé ? La voix, trop riche, trop femme, n’est plus vraiment celle d’un juvénile Chérubin ni même d’une soubrette. Elle est celle des grandes héroïnes romantiques, puis orientée désormais vers Adalgise ou même Norma.
Belle idée en revanche de mettre en miroir la Clémence de Titus de Gluck et celle de Mozart, sans que pour autant l’on ait le sentiment d’entendre le meilleur DiDonato possible, celui que l’on retrouvera, éblouissant, incomparable, inégalable, avec l’ultime air de la soirée, celui de Cenerentola de Rossini.
Là , tout est splendeur, le souffle, le phrasé, l’égalité du timbre sur toute la tessiture, l’aisance de la virtuosité, le style, le chic, même et l’intelligence. Dans le bel canto pur, DiDonato est totalement chez elle. On comprend qu’elle veuille s’en éloigner parfois, mais la comparaison est inévitable quand on la retrouve telle qu’en elle-même.
Son Gluck et ses Mozart ont de quoi faire envie à bien des égards, mais les sommets, c’est vraiment dans Cenerentola qu’elle les atteint… et surtout pas dans cet inutile extrait d’Orphée aux Enfers, ni même dans l’air d’Orphée de Gluck-Berlioz, Amour viens rendre à mon âme, chantés dans un français catastrophique.
Un drôle de programme, donc, pas très valorisant, même si le public acclame tout, ou presque, avec la même ardeur. On le comprend. On adore Joyce, même quand elle se détourne du droit chemin ou s’égare sur des sentiers de traverse. Il n’y a parallèlement que des éloges à adresser aux musiciens lyonnais et à leur chef, exemplaires dans l’ouverture d’Iphigénie en Aulide tout comme dans celle de Béatrice et Bénédict.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 22/09/2010 Gérard MANNONI |
| Récital de la mezzo-soprano Joyce DiDonato accompagnée par l’Orchestre de l’Opéra de Lyon sous la direction de Kazushi Ono dans la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Francis Poulenc (1899-1963)
Sinfonietta
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le Nozze di Figaro : Non so piu, Deh vieni non tardar
Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
La Clemenza di Tito : Se mai senti spirati sul volto
Wolfgang Amadeus Mozart
La Clemenza di Tito : Non piu di fiori
Christoph Willibald Gluck
Iphigénie en Aulide, ouverture
Jacques Offenbach (1819-1880)
Orphée aux Enfers : La mort m’apparaît souriante
Christoph Willibald Gluck – Hector Berlioz
Orphée et Eurydice : Amour, viens rendre à mon âme
Hector Berlioz (1803-1869)
Béatrice et Bénédict, ouverture
Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Cenerentola : Non piu mesta
Joyce DiDonato, mezzo soprano
Orchestre de l’Opéra de Lyon
direction : Kazushi Ono | |
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