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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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PremiĂšre au Teatro Real de Madrid du Chevalier Ă la rose de Strauss mis en scĂšne par Herbert Wernicke, sous la direction de Jeffrey Tate.
Wernicke lâillusionniste
Joyce DiDonato (Octavian) et Anne Schwanewilms (la Maréchale)
Pour sa premiĂšre saison au Teatro Real, Gerard Mortier ne pouvait pas ne pas rendre hommage Ă lâun de ses plus chers disparus, Herbert Wernicke. CrĂ©Ă© Ă Salzbourg puis inscrit au rĂ©pertoire de lâOpĂ©ra de Paris, son Chevalier Ă la rose est rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© par lâOctavian ardent de Joyce DiDonato et la MarĂ©chale simplement miraculeuse dâAnne Schwanewilms.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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On sait Gerard Mortier peu enclin Ă la nostalgie â fraĂźchement arrivĂ© Ă Madrid, lâex-directeur de lâOpĂ©ra de Paris ne sâĂ©tait dâailleurs pas fait prier pour fustiger dans ces colonnes mĂȘmes la rĂ©surrection des Noces de Figaro « de » Strehler par son successeur â, mais la figure dâHerbert Wernicke, emblĂ©matique de ses annĂ©es salzbourgeoises, assurĂ©ment le hante, et un hommage sâimposait. CrĂ©Ă© au GroĂes Festspielhaus, puis transportĂ© sur le plateau non moins vaste de lâOpĂ©ra Bastille, le Chevalier Ă la rose du metteur en scĂšne prĂ©maturĂ©ment disparu constitue, Ă lâimage de la Calisto de Cavalli reprise Ă Bruxelles en 2009, lâapogĂ©e de son art dâillusionniste.
Aboutissement dâune pensĂ©e dramaturgique, la scĂ©nographie est dâabord et surtout une formidable machine thĂ©Ăątrale, oĂč lâillusion, justement, se donne pour telle Ă travers les jeux de miroirs infinis dâune Vienne au crĂ©puscule. Ses reflets rococo ne sont dĂšs lors quâun leurre, un masque que chacun des personnages arbore avec suffisance, complaisance ou naĂŻvetĂ©.
« La MarĂ©chale, Ochs, Octavian, le riche Faninal et sa fille, tous les liens vitaux qui se sont tissĂ©s entre eux, on dirait que tout cela sâest trouvĂ© lĂ ainsi, il y a trĂšs longtemps, aujourdâhui ils ne mâappartiennent plus, ni non plus au compositeur, ils appartiennent Ă ce monde flottant bizarrement illuminĂ©, le thĂ©Ăątre, oĂč ils se conservent en vie depuis dĂ©jĂ un moment et se conserveront peut-ĂȘtre encore un moment. » Cette Ă©vocation du Chevalier Ă la rose de Hugo von Hofmannsthal sâapplique de façon singuliĂšre Ă une mise en scĂšne qui survit dâautant mieux Ă son dĂ©miurge que la reprise madrilĂšne a Ă©tĂ© particuliĂšrement soignĂ©e.
Sous lâĆil mĂ©ticuleux de Mortier â toujours prĂȘt Ă intervenir dans des productions quâil connaĂźt le plus souvent sur le bout des doigts pour en avoir patiemment accompagnĂ© et mĂȘme aidĂ© la gestation, au point, parfois, de se les approprier â, les Ă©clairages ont Ă©tĂ© repensĂ©s par Urs Schönebaum, lâespace scĂ©nique pertinemment resserrĂ©, la direction dâacteurs retravaillĂ©e par Alejandro Stadler, assistant de Wernicke dĂšs la crĂ©ation du spectacle Ă Salzbourg. Compromis, sans doute, entre lâesprit et la lettre, mais qui rend Ă ce Chevalier une immĂ©diatetĂ© qui lui manquait lors des derniĂšres reprises parisiennes, oĂč la comĂ©die donnait au-delĂ du quinziĂšme rang lâimpression dâune agitation lointaine et grossiĂšre.
La part de la distribution dans la rĂ©gĂ©nĂ©ration de « ce monde flottant bizarrement illuminĂ© » ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©e pour autant. Ainsi, la MarĂ©chale dâAnne Schwanewilms, qui se perdait Ă©galement Ă la Bastille, cantonnĂ©e au stade de ses intentions, se rĂ©vĂšle tout simplement miraculeuse, la voix toujours Ă©crin des mots, murmurĂ©s, intĂ©riorisĂ©s en un renoncement doux-amer, spirituel pourtant, et qui face Ă son reflet prĂ©tendument fanĂ© ne se dĂ©partit jamais dâun demi-sourire. Aucun maniĂ©risme ne trouble cette incarnation oĂč la sophistication Ă©mane du naturel. Et ce maintien, cette beautĂ© sereine qui comme rarement nous font ressentir la poĂ©sie de cet Ă©loge des femmes mĂ»res. Qui plus est face Ă une Sophie plus dinde que nature.
TĂȘte dâĂ©pingle au vibrato chaotique, Ofelia Sala ne compromet heureusement pas lâĂ©quilibre des ensembles, oĂč lâardeur juvĂ©nile, forcĂ©ment aveugle de Joyce DiDonato la submerge. Artiste Ă©minemment personnelle, la mezzo-soprano amĂ©ricaine nâen marche pas moins, un peu Ă la maniĂšre de ses Haendel, sur les traces de Tatiana Troyanos. Par lâextension, les ruptures, la lumiĂšre qui soudain sâobscurcit, des rĂ©serves vocales et dramatiques infinies, et qui pourtant flirtent sans cesse avec la corde raide. Cet Octavian encore neuf, Ă©trennĂ© Ă San Francisco en 2007 et pas repris depuis, est dĂ©cidĂ©ment dĂ©jĂ grand.
Franz Hawlata connaĂźt Ă lâinverse son Baron Ochs de longue date, plus jeune, plus clair que ne le veut la tradition, mais assez idĂ©alement ce « Don Juan de village, dâenviron trente-cinq ans » que prĂ©conisait Strauss dans ses Anecdotes et souvenirs. Lâaigu est usĂ©, certes, et lâextrĂȘme grave tient davantage de lâĂ©ructation que du chant, mais ce rustre, ce porc en culottes de peau se rĂ©vĂšle moins routinier quâil nâa pu lâĂȘtre, plus soignĂ© dâintonation et de ligne.
Et parmi la voliĂšre de seconds rĂŽles, Alessandro Liberatore, tĂ©nor italien sans sĂ©duction, mais dâune facilitĂ© stupĂ©fiante, les fidĂšles Helene Schneiderman, Annina dĂ©lurĂ©e, et Christoph Homberger, aubergiste inquiĂ©tant Ă force dâobsĂ©quiositĂ©, inattendu enfin, mais absolument Ă©vident de caractĂšre sinon de voix, le Faninal de Laurent Naouri.
Dans la fosse, Jeffrey Tate dirige trop carrĂ© souvent, et surtout trĂšs uniformĂ©ment lent. Le chef britannique nâen obtient pas moins de lâOrchestre Symphonique de Madrid des transparences inespĂ©rĂ©es, tandis que lâesprit de Wernicke semble animer depuis lâAu-delĂ des bois savoureusement facĂ©tieux.
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Teatro Real, Madrid Le 14/12/2010 Mehdi MAHDAVI |
| PremiĂšre au Teatro Real de Madrid du Chevalier Ă la rose de Strauss mis en scĂšne par Herbert Wernicke, sous la direction de Jeffrey Tate. | Richard Strauss (1864-1949)
Der Rosenkavalier, comédie pour musique en trois actes (1911)
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Pequeños cantores
Coro y Orquesta Titulares del Teatro Real (Coro Intermezzo y Orquesta SinfĂłnica de Madrid)
direction : Jeffrey Tate
mise en scÚne, décors et costumes : Herbert Wernicke
éclairages : Urs Schönebaum
préparation des choeurs : Andrés Måspero
Avec :
Anne Schwanewilms (la MarĂ©chale), Franz Hawlata (le Baron Ochs), Joyce DiDonato (Octavian), Laurent Naouri (Faninal), Ofelia Sala (Sophie), Ingrid Kaiserfeld (Marianne Leitmetzerin), Peter Bronder (Valzacchi), Helene Schneiderman (Annina), Alessandro Liberatore (un chanteur italien), Scott Wilde (un comissaire de police), Ăngel RodrĂguez (le majordome de la MarĂ©chale), Josep FadĂł (le majordome de Faninal), Lynton Black (un notaire), Christoph Homberger (un aubergiste), Consuelo Garres (une modiste), Tetyana Melnychenko, Maira RodrĂguez, Rosaida Castillo (trois nobles orphelines), Houari LĂłpez (un dresseur d'animaux), Gaizka Gurruchaga, Carlos Silva, Gustavo Gibert, Abelardo CĂĄrdenas (les quatre laquais de la MarĂ©chale), JosĂ© Alberto GarcĂa, JosĂ© Carlo Marino, Harold Torres, RubĂ©n Belmonte (quatre serveurs), Ivo Stanchev (le serviteur). | |
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