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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Cosi fan tutte au Festival d'Aix-en-Provence, France.
Cosi Fan Tutte Ă Aix (Pour)
Un opéra de Mozart est presque une figure imposée au Festival d'Aix. L'idée originale cette année consistait à confier la réalisation scénique à un metteur en scène chinois : Chen Shi-Zheng. Son travail a néanmoins été très contesté et à l'image de la controverse, voici les avis partagés de nos collaborateurs Sylvie Bonier et Olivier Bernager.
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Chen Shi-Zheng s'est fait connaître en France en montant pour le Festival d'Automne un classique du théâtre chinois, Le pavillon aux pivoines. Ce metteur en scène très doué démontrait alors qu'il était capable d'épouser les moindres nuances de ses personnages dans une scénographie sobre et un sens du rythme indéniable. Ces qualités se retrouvent dans son travail sur Cosi fan tutte. Il situe les deux actes de l'opéra dans un marécage. Le ciel est bouché par l'arc constitué de la racine d'un palétuvier géant, son centre est une étendue d'herbes humides cernées par une eau dormante, deux ponts de bois, un bosquet de bambous et un saule pleureur. Un peu sur l'avant, une table de café et deux sièges, seuls objets rappelant que le philosophe Don Alphonso, qui en appelle à la raison pour ordonner le désordre amoureux, appartient autant au siècle des Lumières qu'au nôtre. C'est de là qu'il lancera la machine infernale du désir amoureux. D'une grande virtuosité, cette scénographie enferme les personnages en eux-mêmes par la simple force de l'image qu'elle présente. Ici, la passion amoureuse relève d'un mystère aussi grand que le paysage dans lequel elle se joue, que la décomposition des éléments naturels, le mélange de l'eau, de la terre, de la végétation figurent le conflit des pulsions amoureuses. La rapidité des scènes de Cosi fan tutte se satisfait parfaitement des réminiscences du théâtre chinois. Ici, l'espace est souvent fragmenté par des paravents mouvants de tissus habilement conduits par des manipulateurs. Les éventails traditionnels et les postures d'art martiaux, sont joués avec humour et distance par les protagonistes. Mais on en reste là pour les chinoiseries. En effet, le principal moteur de cette mise en scène est la précision du jeu des chanteurs. Chen Shi-Zheng a parfaitement compris que l'enjeu de Cosi fan tutte n'était pas un marivaudage habile, une fable moralisatrice, mais la quête de soi de jeunes adultes qui cherchent, par le moyen des jeux de rôles proposés par le philosophe, comment lutter contre la frénésie génésique, comment contourner l'écueil de la morale chrétienne, comment passer de la bête adolescence à l'âge adulte. Il le montre avec brio en dirigeant les chanteurs dans un style qui n'est pas sans rappeler celui de Peter Brook dans le Don Giovanni donné ici même les saisons passées.
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Mieux que des lambris dix-huitièmes, l'herbe humide de son théâtre accueille les jeux de l'amour et du désir. Les deux soeurs paraissent de la même famille, les deux amants, de vrais amis. Leurs conflits semblent toujours vrais. Cette vraisemblance des personnages pointe sa finesse de directeur d'acteurs. Il sait nourrir le livret de Da Ponte d'une infinité de détails de comportements, de déplacements, de costumes. Il répond par son inventivité à l'exubérance de la réalisation musicale de René Jacobs. Tempi vifs, sonorités ciselées, récitatifs nerveux et inspirés joués au pianoforte par Nicolau de Figueredo. L'unité musicale et scénique de ce spectacle, son intelligence, semblent n'avoir pas été reçus à leur juste mesure tant par le public, quelque peu avare de rappels le soir du 12 juillet, que par une partie de la presse. Mais il faut rendre justice aux spectateurs transis de froid ce soir-là , qui ne ménagèrent dans leurs propos - et avec raison - les commentaires élogieux sur la distribution vocale exemplaire de cette production. Comme le Don Giovanni de Peter Brook, le Cosi fan tutte de Chen Shi-Zheng saura, avec le temps, s'imposer et faire mentir les Cassandre.
Lire l'avis moins favorable de Sylvie Bonier
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence Le 12/07/2000 Olivier BERNAGER |
| Nouvelle production de Cosi fan tutte au Festival d'Aix-en-Provence, France. | Cosi fan Tutte de W.A.Mozart.
Concerto Köln
Choeur de l'académie européenne de musique.
Direction musicale : René Jacobs
Mise en scène : Chen Shi-Zheng.
Avec Alexandra Deshorties (Fiordilidgi), Liliana Nikiteanu (Dorabella), Graciela Oddone (Despina), Stephan Genz (Guglielmo), Jeremy Ovenden (Ferrando), Pietro Spagnoli (Don Alfonso). | |
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