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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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CrĂ©ation Ă lâOpĂ©ra de Paris de la Cerisaie de Philippe FĂ©nelon, dans une mise en scĂšne de Georges Lavaudant et sous la direction de Tito Ceccherini.
Mélancolie tchékhovienne
CrĂ©Ă©e au BolchoĂŻ de Moscou en 2010, la Cerisaie, opĂ©ra que Philippe FĂ©nelon (60 ans) a tirĂ© de la piĂšce de Tchekhov, sâinstalle au Palais Garnier et propulse la petite musique tchĂ©khovienne dans un maelström musical. Une rĂ©ussite, relativement plombĂ©e par la mise en scĂšne en forme de clownerie de Georges Lavaudant.
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Quelle mine dâor que Tchekhov pour les compositeurs de notre Ă©poque ! Dans la nostalgie venue du XIXe siĂšcle finissant (La Cerisaie a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1903), ils retrouvent un Ă©cho Ă la mĂ©lancolie grinçante qui assaille et trouble nos sensibilitĂ©s.
AprĂšs Trois SĆurs inspiratrices dâun formidable succĂšs du compositeur Peter Eötvös, la Cerisaie allait-elle provoquer un miracle identique dans lâĆuvre foisonnante de Philippe FĂ©nelon ? La mise en scĂšne de Georges Lavaudant multiplie les effets comiques et plombe le charme de la partition.
Ce nâest pas dans lâenchevĂȘtrement de troncs dâarbres occupant en frondaison une partie de la scĂšne que lâon comprend mieux lâenjeu de cette Cerisaie perdue. Ce nâest pas dans lâĂ©volution dâune ballerine en tutu que lâon sent le poids des conventions sur cette famille. Ce nâest pas dans les clowneries de figurants dĂ©guisĂ©s que lâon sent sâeffilocher le destin dâune Russie « qui toute entiĂšre est une cerisaie » comme lâaffirme lâun des personnages.
La mise en scĂšne grossit le propos dâune partition qui dit tout de cette fin dâun monde avec une lĂ©gĂšretĂ© ironique et annonce lâavenir dâune maniĂšre grinçante, parfois persifleuse. En musicien cultivĂ©, FĂ©nelon cite ses grands anciens, de Berg Ă Messiaen en passant pas Stravinski.
Fatras stylistique ? Il frĂŽle ce travers mais nây tombe jamais, mĂȘme en se rĂ©fĂ©rant Ă la tradition russe et en multipliant les clins dâĆil aux compositeurs comme aux chants populaires. Le chef dâorchestre Tito Ceccherini articule cette partition qui, entre lâorchestre Ă petit effectif, les musiciens de scĂšne et la musique enregistrĂ©e, crĂ©e un charme obsĂ©dant.
Le vrai plaisir tient Ă lâĂ©criture vocale. FĂ©nelon aime les voix et nous fait savourer chaque timbre dans les sonoritĂ©s les plus raffinĂ©es. Il dispose dâune distribution de jeunes chanteurs russes exemplaires, comme la mezzo Ksenia Vyaznikova en vieux, ou, autre rĂŽle travesti, la gouvernante allemande de la basse Mischa Schelomianski. Plus intense encore est la chanteuse Elena Kelessidi qui, en Liouba, est tchĂ©khovienne jusquâau bout des ongles. Elle est en permanence au bord de lâĂ©motion.
La crĂ©ation dâun opĂ©ra demande aux spectateurs une pĂ©riode de maturation. Un jugement dĂ©finitif serait dâemblĂ©e inconsĂ©quent. Il faut lâĂ©couter et le revoir. Une mise en scĂšne diffĂ©rente devrait rĂ©vĂ©ler dâautres aspects de la partition de Philippe FĂ©nelon qui, Ă notre humble avis, est par son intensitĂ©, supĂ©rieure Ă ses autres opĂ©ras. Sans doute est-ce la magie Tchekhov !
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Palais Garnier, Paris Le 30/01/2012 Nicole DUAULT |
| CrĂ©ation Ă lâOpĂ©ra de Paris de la Cerisaie de Philippe FĂ©nelon, dans une mise en scĂšne de Georges Lavaudant et sous la direction de Tito Ceccherini. | Philippe FĂ©nelon (*1952)
La Cerisaie, opéra en douze scÚnes, un prologue et un épilogue
Livret dâAlexeĂŻ Parine dâaprĂšs Tchekhov
ChĆur et Orchestre de lâOpĂ©ra national de Paris
direction : Tito Ceccherini
mise en scĂšne & Ă©clairages : Georges Lavaudant
décors et costumes : Jean-Pierre Vergier
prĂ©paration des chĆurs : Patrick Marie Aubert
Avec :
Elena Kelessidi (Liouba), Marat Gali (Lionia), Alexandra Kadurina (Gricha), Ulyana Aleksuk (Ania), Anna Krainikova (Varia), Igor Golovatenko (Lopakhine), Misca Schelomianski (Charlotta), Svetlana Lifar (Douniacha), Alexei Tatarintsev (Iacha), Ksenia Vyaznikova (Firs). | |
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