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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Récital de la mezzo-soprano Joyce DiDonato, accompagnée par la pianiste David Zobel dans la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
DiDonato sur la lagune
Star du bel canto, interprète splendide des romantiques italiens, reine de la vocalise, comédienne de génie, Joyce DiDonato a-t-elle eu raison dans le choix des mélodies de ce récital voué à Venise ? Pas totalement, car, si elle s’y montre admirable musicienne, ce ne sont pas toujours les meilleures qualités de sa voix qui sont mises en avant.
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Contrairement à tant de ses collègues qui se fourvoient dans le récital de mélodies tout simplement parce que leurs moyens sont ceux de l’opéra et non de l’intimité du salon, Joyce DiDonato sait à merveille n’utiliser en pareil cas qu’une petite partie de sa voix. C’est une première qualité. Indiscutable et rare de nos jours.
Sa technique est parfaite et lui permet de varier dynamique, émission et couleurs à volonté. Un vrai festival de merveilleux piani, notamment dans l’aigu, le sens de l’inflexion, la volonté de dire le texte et de le vivre théâtralement tout en restant sur place. C’est difficile, mais la cantatrice, grâce à sa vive intelligence et à son instinct de la scène, y parvient avec le plus parfait naturel.
Mais tout cela ne serait peut-être rien si Joyce DiDonato ne se montrait à chaque seconde une fantastique musicienne. La manière de mener la phrase musicale, de la dessiner, de la relancer ou de l’interrompre, de trouver la nuance juste en prenant au besoin tous les risques, tout est musique d’abord, avant tout.
Alors, on peut trouver que les deux airs d’Hercule sur le Thermodon de Vivaldi qui commencent la soirée ne sont pas les pages les plus bouleversantes du compositeur, mais ce que susurre par moment la cantatrice a de quoi conquérir tout le monde. Les cinq mélodies de Fauré qui suivent sont elle aussi parées de toutes les nuances et de toutes couleurs qu’elles réclament, avec une finesse épatante.
Dommage en revanche que les mots ne soient guère intelligibles, que la tessiture gêne parfois la qualité du son dans le bas médium, d’autant qu’il s’agit de poèmes de Verlaine, et surtout double dommage que le texte du programme ne mentionne pas le nom du poète alors qu’il le fait pour toutes les autres mélodies.
Le texte est même tourné de telle manière que les poèmes semblent attribués à Fauré puisqu’on lit : « Ces cinq mélodies composées en 1891 sont une des premières réussites de Fauré. Il les écrivit pour la princesse de Polignac dont il était l’hôte, lors d’un voyage à Venise… » À croire qu’il en a écrit les textes puisque Verlaine n’est pas au rendez-vous, un comble !
Beaucoup d’humour (trop ?) avec les Régates vénitiennes de Rossini ensuite, mais une façon impayable de reproduire les gestes et les attitudes du peuple vénitien. Trois jolis Lieder de Schubert et de Schumann montrent que Joyce DiDonato peut ciseler toutes les musiques dans toutes les langues, puis Trois mélodies de Venise de Michael Head, compositeur peu connu, qui les écrivit pour Janet Baker. Une musique sans prétention mais solide, bien tournée, sincère.
Et pour finir, cinq mélodies sur Venise de Reynaldo Hahn, qui bénéficient aussi d’une interprétation musicale touchant au génie, car leur épaisseur est quand même relative. Entre chaque compositeur, Joyce DiDonato parle beaucoup à la salle. C’est un peu devenu la tradition aux Grandes Voix, tant le public est fidèle à ses idoles et a fini par établir avec elles de vrais liens quasi familiaux. Alors Joyce parle, raconte, s’amuse, nous amuse, pour la plus grande joie de tous.
Des bis, bien sûr, avec essentiellement l’air de Cenerentola de Rossini où soudain, on retrouve la totalité de la voix de la cantatrice avec tous ses feux, tout son abattage, sa fulgurante technique de vocalises et une énergie grisante. Comme un retour au bercail, car là est vraiment l’univers de Joyce DiDonato, malgré tout ce qu’elle peut apporter ailleurs.
Et toute la soirée durant, une belle complicité efficace avec le pianiste David Zobel, lui aussi vrai musicien.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 26/06/2012 Gérard MANNONI |
| Récital de la mezzo-soprano Joyce DiDonato, accompagnée par la pianiste David Zobel dans la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Vivaldi, Fauré, Rossini, Schubert, Schumann, Head, Hahn
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
David Zobel, piano
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