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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Création du Concerto sans orchestre de Pierre Henry au Festival de la Roque d'Anthéron
Une paraphrase creuse de Pierre Henry
Après sa dixième symphonie selon Beethoven, Pierre Henry s'attaque à Franz Liszt. En création mondiale pour la Roque d'Anthéron, son Concerto sans orchestre n'a cependant pas réussi à emprisonner le génie Lisztien dans son dispositif électroacoustique.
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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Dans ce Concerto sans orchestre, qui se veut un hommage à Liszt, Pierre Henry a choisi quelques pièces dans le répertoire le plus mystique du compositeur, comme Sursum corda, Nuages gris, Bagatelles sans tonalité
Elles lui servent de matériau à partir duquel il déploie une armada de sons enregistrés. L'intention n'est ni plus ni moins que de faire une oeuvre de montage, dans lequel il excelle, où deux mondes se répondent, le sien et celui de Liszt.
Mais c'est là que le bât blesse. Quand le déterminisme farouche des symphonies de Beethoven lui permettait, dans une oeuvre précédente, de faire son miel de l'ensemble des neuf symphonies pour en écrire une dixième (en toute simplicité), le résultat était probant. La nervosité du discours beethovennien n'était en rien alourdi par les effets de manche électroacoustiques de Pierre Henry. Certains passages étaient même d'une virtuosité très attachante.
Dans le cas de Liszt, l'affaire est tout autre, car contrairement à Beethoven, Liszt ne pose pas le développement comme moteur de la pensée musicale mais au contraire, le foisonnement. Liszt, voyageur dans sa musique comme dans sa vie, visite tout ce qu'il y a à visiter. Il n'évite rien, n'a jamais l'obsession du thème. S'il y en a un, ou deux, ou trois, ou dix, il les gifle (Sonate en si mineur), les met à genoux en les épuisant (Après une lecture du Dante), les atomise (Bagatelles sans tonalité), les réduit (Nuages gris). C'est en ce sens que Vladimir Jankelevitch parlait de " générosité " lisztienne. Le discours musical de Pierre Henry ne semble pas tenir compte de cette capacité explosive de la musique de Liszt alors que tout dans l'électroacoustique semblait le lui indiquer.
Dans cette création commandée pour les vingt ans du Festival de La Roque d'Anthéron, on pouvait difficilement entendre cet habillage de Liszt comme une évasion du texte originel. Bien plutôt, les sons électroniques raffinés, portant la griffe de leur créateur sonnaient comme une paraphrase de Liszt, rien de plus, malgré l'engagement du pianiste, Nicolas Angelich. D'où la désagréable impression de réentendre comme passé par la moulinette de la forêt de haut-parleurs, ce que le piano venait de si bien dire juste à l'instant. Seules une quinzaine de petites minutes, vers la fin de ce trop laborieux hommage, venaient contredire cette impression. Le public ne s'y est pas trompé, qui à l'entracte citait toujours ce passage pour se soulager de l'ennui éprouvé pendant les cinquante minutes précédentes.
La seconde oeuvre, Le Livre des morts égyptiens, a été reçue dans le recueillement par un public plus clairsemé. Du Pierre Henry pur et dur comme on l'aime, inquiet, sincère. Écouté dans un lieu à l'acoustique rêvée, ce parcours mystique prenait toute sa dimension sous un ciel noir face aux splendides masses calcaires illuminées sans excès des Carrières de Rognes, qui prenaient pour l'heure des teintes ocres comme celles des temples égyptiens d'Abou Simbel.
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Festival de piano de la Roque d'Anthéron, Le 13/08/2000 Olivier BERNAGER |
| Création du Concerto sans orchestre de Pierre Henry au Festival de la Roque d'Anthéron | " Concerto sans orchestre " de Pierre Henry en hommage à Franz Liszt.
Nicolas Angelich, piano
Commande du Festival de la Roque d'Anthéron
Création mondiale | |
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