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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de la Traviata de Verdi dans une mise en scène de Benoît Jacquot et sous la direction de Daniel Oren à l’Opéra de Paris.
Pour les chanteurs
Superbe distribution pour cette nouvelle production de la Traviata avec un magnifique trio de voix. La mise en scène est hélas une déception pour sa lourdeur, ses symboles naïfs et une incapacité à occuper autrement que de manière statique le trop vaste espace du plateau de l’Opéra Bastille. Brillante direction de Daniel Oren, mais décalée par rapport à ce que l’on voit.
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La Traviata est décidément promenée d’un excès à l’autre sur les scènes de l’Opéra de Paris ces dernières années. Passé le premier acte, la production de Jonathan Miller en 1997 était d’une pauvreté affligeante mais Agela Gheorghiu y avait laissé son empreinte. Celle de Christoph Marthaler à Garnier en 2007, volontairement provocatrice mais d’une rare intelligence, avait cassé les conventions avec brutalité, mais réussi à inventer un couple à l’image de Piaf et Sarapo grâce au talent du jeune Kaufmann et de Christine Schäfer, avec quelques images inoubliables, notamment au dernier tableau.
Retour, cette fois à la Bastille, qui, disons-le d’emblée, est une scène bien trop vaste pour cet opéra qui ne tourne finalement qu’autour de trois personnages… surtout si l’on fait les choix de Benoît Jacquot et de son décorateur Sylvain Chauvelot, en renonçant à utiliser les quelques scènes de foule pour animer l’espace. Ici, tout est pesant, massif, gigantesque, et la division systématique du plateau en deux parties égales très mal employées n’arrange rien.
Les symboles sont d’une naïve évidence qui étonne après le subtil et sobre dosage vu dans le Werther si réussi par le même metteur en scène. Un lit gigantesque omniprésent au I, des invités reclus dans l’obscurité du lointain, disposés en quadruple rang d’oignons, tout de noir vêtus, statiques sauf cette malheureuse Flora qui valse indéfiniment et pour les deux actes suivants qui s’enchaînent, un escalier monumental à la place du lit côté cour, peuplé de pauvres figurants contraints à l’immobilité pendant toute la durée du tableau champêtre, lequel se déroule joliment, c’est vrai, sous un arbre à la Ponnelle, rencontre nocturne assez poétique.
Quand on passe au deuxième tableau, c’est l’escalier qui est envahi de cette population en deuil, ces horribles hommes, n’est-ce pas, symbole de mort au cas où on ne l’aurait pas assez compris, et le ballet, hommes barbus habillés en danseuses espagnoles, femmes en toreros, est coincé à l’avant-scène dans une gesticulation parodique stupide, laide, inutile…
Tout cela est lourd, tassé, tout simplement moche, sans rapport avec la vivacité ni les couleurs ni le mouvement de la musique et du drame. Le dernier acte est intimiste, sans intérêt particulier. Une seule idée amusante : tous les serviteurs de Violetta sont noirs, y compris Cornelia Oncioiu (Annina)… rappel des origines de la famille Dumas.
Et dans ce cadre désolant, Diana Damrau campe une splendide Violetta, dont elle interprète chaque mesure et chaque intention avec autant d’impact vocal que scénique et beaucoup d’intelligence. Une Violetta moderne, en contradiction totale avec le cadre et la mise en scène, une Violetta qui se révolte, qui rage, qui lutte, qui peste. Elle est notre contemporaine malgré ses crinolines et nous touche directement, preuve que le costume ne fait rien à l’affaire. Une grande incarnation de tragédienne lyrique, malgré quelques excès, parfois.
Le jeune ténor Francesco Demuro est plus timide, mais la voix est bonne, bien menée et sa sincérité est touchante. Tous deux débutaient à Bastille et forment un beau couple de théâtre et de musique. Faut-il revenir sur les exploits de Ludovic Tézier dont la voix est plus impressionnante que jamais et soulève à juste titre l’enthousiasme du public ? Quel chanteur ! Les seconds rôles sont tenus très professionnellement.
Les chœurs sont parfaits bien que si mal utilisés scéniquement. L’orchestre est mené avec une précision et une sensibilité de chaque instant par Daniel Oren, contribuant à soutenir le travail des chanteurs, à l’accompagner, à le mettre en valeur, parvenant à les faire vivre… et mourir, dans ces décors et cette mise en scène calamiteux par leur poids et leur accumulation de symboles convenus.
Le public acclame tout le monde y compris décorateur et metteur en scène, sans doute content de retrouver falbalas et crinolines après le choc de l’Alfredo zazou de Kaufmann et de la Violetta en mini-jupe de Shaffer en 2007.
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Opéra Bastille, Paris Le 02/06/2014 Gérard MANNONI |
| Nouvelle production de la Traviata de Verdi dans une mise en scène de Benoît Jacquot et sous la direction de Daniel Oren à l’Opéra de Paris. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata, opéra en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piave d’après Alexandre Dumas fils
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Daniel Oren
mise en scène : Benoît Jacquot
décors : Sylvain Chauvelot
costumes : Christian Gasc
éclairages : André Diot
préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano
Avec :
Diana Damrau (Violetta), Anna Pennisi (Flora Bervoix), Cornelia Oncioiu (Annina), Franceso Demuro (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont), Gabriele Mangione (Gastone), Fabio Previati (Barone Douphol), Igor Gnidii (Marchese d’Obigny), Nicolas testé (Dottor Granvil). | |
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