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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production d’Orfeo ed Euridice de Gluck dans une mise en scène de David Marton et sous la direction d’Enrico Onofri dans le cadre du festival les Jardins mystérieux de l’Opéra de Lyon.
Jardins mystérieux (2) :
Les tripatouillages d’Orphée
Drôle de production pour ce deuxième volet des Jardins mystérieux à l’Opéra Nouvel. L’Orphée et Eurydice de Gluck s’y voit détourné par le metteur en scène David Marton, dont les choix dramaturgiques exigent un certain interventionnisme dans la partition. Très belle exécution musicale au demeurant pour cet ouvrage si peu théâtral.
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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Quitte à inclure les jardins élyséens dans le festival de printemps de l’Opéra de Lyon, on eût préféré se frotter à ceux du miraculeux Orfeo de Monteverdi, dont on sait pertinemment qu’il aurait coûté le double face aux trois modestes personnages de Gluck, dont l’Orfeo ed Euridice est présenté ici dans la version originale viennoise en langue italienne.
Un ouvrage qui, avouons-le, n’est pas vraiment notre répertoire de prédilection, si peu théâtral, et surtout flanqué d’un épouvantable happy end représentant tout ce que la convention pouvait avoir de plus néfaste. Le metteur en scène David Marton semble d’ailleurs beaucoup s’amuser du peu de matière dramatique de cet opéra si révéré en son temps, en en proposant un dynamitage en bonne et due forme.
On y assistera à un spectacle sur la réminiscence et le souvenir, où un vieil Orphée, poète faisant cliqueter sa machine à écrire à coups de passages de la nouvelle le Calmant de Beckett, se remémore ses amours de jeunesse pour Eurydice sur une plage de sable fin où trône une drôle de maison en pierre de guingois et à l’abandon.
Ce faisant, le rôle principal sera scindé en deux : entre le vieux poète tenu par le vétéran Viktor von Halem, timbre toujours aussi sépulcral emblématique de tant de productions de Parsifal, affichant ici de glorieux restes, tant vocalement que physiquement, avec ses allures de Michael Lonsdale à longue crinière blanche, et le jeune amoureux d’autrefois tenu par le contre-ténor Christopher Ainslie, impeccable, suave, homogène, joli legato de surcroît.
Plus déroutant encore, mais tout aussi bien sonnant, le transfert du rôle d’Amour à six maîtrisiens à l’unisson, la crème de la crème du genre, tant en termes de justesse que de phrasé ou de joli relief de l’italien. Seule la brave Eurydice peut ici chanter tel quel son rôle, auquel la ravissante Elena Galitskaya réserve un timbre d’une exquise pureté et des intentions lumineuses et tout en finesse.
On s’agacera d’ailleurs plus des multiples points d’arrêts et silences imposés au rythme de la musique que des petits détournements tels ce hautbois solo sur scène, ces échos entendus sur une vieille radio au I, au milieu de prévisions météo, ou le passage douloureux pour l’oreille d’un train à grande vitesse interrompant le vieillard à deux reprises.
Si l’on adhère également à la manière dont David Marton souligne l’incongruité du deus ex machina final en faisant revenir sur scène choristes et solistes en costumes de concert, partitions à la main, l’orchestre émergeant de la fosse progressivement surélevée pour les accompagner, on comprend assez mal pourquoi il cherche tant à souligner la faiblesse de la dramaturgie du livret.
En transformant par exemple la détresse d’Eurydice en scène de ménage devant la soupe du soir, où les amants ne cessent de se regarder dans les yeux, ou encore face à ce repas de famille où les six enfants du couple (les mêmes qui chantent Amour) se font tancer par leur père pour avoir mis les coudes sur la table. Amusant, mais pas sûr que l’ouvrage y gagne sa place au panthéon des chefs-d’œuvre dramatiques !
L’ensemble est toutefois d’autant plus enlevé qu’Enrico Onofri transforme l’Orchestre de l’Opéra de Lyon en magnifique formation XVIIIe, timbres chatoyants à l’ancienne qu’on prendrait à l’aveugle pour un authentique orchestre baroque, articulations bien découpées et belle énergie rythmique. On en viendrait presque à oublier que les passages dansés sont littéralement laissés à l’abandon sur scène (ces chœurs au ralenti !), et qu’on doit se contenter de la Danse des esprits bienheureux sans le moment de grâce du solo de flûte central ajouté pour la version parisienne.
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