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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Première au TNP de Villeurbanne du Jardin englouti de Michel van Aa dans le cadre du festival les Jardins mystérieux de l’Opéra de Lyon.
Jardins mystérieux (3) :
L’opéra de l’avenir
Point final au festival de printemps lyonnais avec la création française du Jardin englouti de Michel van der Aa, spectacle multimédia d’une stupéfiante unité, dans une manière d’œuvre d’art total extraordinairement défendue par son équipe musicale. Seul un livret souvent fumeux nous empêche de valider totalement ce film-opéra amené à faire florès.
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Théâtre National Populaire (TNP), Villeurbanne
Le 19/03/2015
Yannick MILLON
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
[ Tous les concerts ]
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Après le jardin des perversions des Stigmatisés, après l’Élysée d’Orphée et Eurydice, c’est une création française que proposait l’Opéra de Lyon pour clore son festival de printemps consacré aux Jardins mystérieux. Délocalisée dans la salle parfaite de dimensions, de visibilité et d’acoustique du TNP de Villeurbanne, au cœur du quartier de Gratte Ciel, cette programmation du Jardin englouti de Michel van der Aa, étrenné en avril 2013 à l’English National Opera, finit de confirmer que l’Opéra de Lyon est un pionnier hexagonal en termes de recours aux nouvelles technologies.
La vidéo, notamment, a trouvé sa place depuis plusieurs années dans presque toutes les nouvelles productions, avec nettement plus de francs succès (le Vaisseau fantôme, Erwartung, le Tour d’écrou) que de ratages (Fidelio). C’est que Serge Dorny, non content de faire toujours appel à des metteurs en scène interrogeant sans relâche la dramaturgie des œuvres, souhaite faire entrer parallèlement les procédés de pointe dans les salles lyriques, comme ce soir la 3D.
On ne serait d’ailleurs pas étonné que les hologrammes fassent leur apparition à l’opéra d’ici quelques années tant la technologie a progressé durant la dernière décennie. Car ce soir, l’interaction entre scène et images filmées abolit assez génialement la notion d’espace en un va-et-vient d’une parfaite continuité. Et, pour rester encore un peu gadget, limitée à des effets de touffeur de serre ou à des éclaboussures, la 3D apporte une dimension onirique indéniable au passage du jardin englouti.
Notre seul véritable regret concernera ce soir le livret de David Mitchell, bien embrouillé et souvent fumeux, brassant une kyrielle de thématiques sans jamais les approfondir, tirant à hue et à dia dans des considérations toutes faites. Et pourtant, cette histoire d’enquête sur deux disparitions menée façon polar par un vidéaste se retrouvant dans une espèce de dimension parallèle promettait beaucoup.
Seul regret disions-nous, car l’équipe musicale est d’une stupéfiante cohésion. L’Orchestre de l’Opéra de Lyon, hyperdramatique dans les Stigmatisés il y a deux jours, plus baroque que nature dans Orphée et Eurydice hier, devient ce soir, en petite formation et sous la direction au cordeau d’Étienne Siebens, un outil de musique contemporaine très affûté, taillé à la serpe au niveau rythmique, timbres raffinés et toujours précis, jusqu’à ce synthétiseur parfaitement intégré à la masse sonore et à un pupitre de percussion faisant la part belle aux lignophones.
Par ailleurs, les passages de la prosodie britannique, très soignée, quelque part entre Britten et Philip Glass, à la pop et aux atmosphères électroniques des scènes de boîte de nuit ne créent aucun hiatus, parfaitement intégrées et digérées dans le continuum sonore, au point que l’on peine souvent à distinguer les sons provenant des hauts parleurs de ceux produits dans la fosse.
Parfaite équipe de chanteurs pour parachever le tout, du baryton exceptionnel de Roderick Williams, homogène sur toute la tessiture, nuances sublimes dans le haut registre, timbre parfaitement placé peu importe la masse sonore en dessous, à la radiance des timbres de Katherine Manley et Claron McFadden, voix souples, superbement timbrées, aux ressources dynamiques infinies, en passant par les deux voix des disparus utilisées dans la vidéo : le ténor suave de Jonathan McGovern, et la technique mi-lyrique mi-pop très expressive de Kate Miller-Heidke. Et chez tous une impeccable mise en valeur de l’anglais britannique, si distingué qu’il est une ligne de chant à lui seul.
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