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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Version de concert des Troyens de Berlioz sous la direction de Valery Gergiev au festival d’été de Baden-Baden 2015.
Baden-Baden 2015 (2) :
Des Troyens opulents
Sous la conduite d’un Gergiev exaltant la monumentalité et la théâtralité des Troyens, cette version concertante est un véritable défilé de voix slaves toutes plus superbes et opulentes les unes que les autres. Ce qu’on perd en intelligibilité du texte et en idiomatisme des sonorités est compensé par une splendeur à toute épreuve.
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Il faut avant tout louer le Festspielhaus de proposer, même dans une version de concert, l’ouvrage majeur du répertoire français que constituent les Troyens. Après une journée consacrée à Pierre Boulez en janvier et la Damnation de Faust par Sir Simon Rattle à Pâques, Baden-Baden aura cette saison fêté de manière magistrale la musique française.
Il faut d’autant en déplorer que ces Troyens se jouent devant un public très clairsemé et semblant dans un premier temps dérouté par l’œuvre, peu familière des scènes allemandes. Les applaudissements, timides après les deux premiers actes, gonfleront au fur et à mesure de la soirée pour aboutir à un triomphe et une salle debout. La raison en incombe aussi à l’interprétation superlative de la troupe du Mariinski.
Car voilà un ouvrage qui convient bien à Valery Gergiev ! Le chef ossète excelle en effet dans l’urgence dramatique et la grandeur des scènes épiques abordées sans emphase excessive (Chasse Royale et Orage, exemplaire). Un Berlioz assumé et flamboyant qui tranche avec celui dépourvu de contrastes et de démesure de Rattle cité plus haut.
Si l’on déplore çà et là des attaques molles et quelques baisses de régime (l’entrée d’Énée), il faut louer l’inspiration, l’engagement du chef et sa précision – tous les ensembles sont ainsi parfaitement en place, chose d’autant plus remarquable que Gergiev s’occupe à peine des chanteurs dans son dos.
Sous sa baguette, l’Orchestre du Mariinski est somptueux et d’une solidité à toute épreuve pour une œuvre si longue. On goûte particulièrement des cordes superbes, des cuivres parfaits et un excellent timbalier. Les timbres sont parfois quelque peu exotiques, par exemple du côté des bois où la clarinette sonne plutôt comme celle de la Shéhérazade de Rimski, mais devant une telle performance, on ne peut que s’incliner.
Les chœurs sont également remarquables malgré leur petit effectif (une soixantaine de choristes) par rapport à une formation orchestrale conséquente. Leur précision est là encore bluffante et l’on peut cette fois louer une homogénéité moins évidente dans la Dame de pique donnée en alternance.
Quant aux voix, elles sont toutes plus magnifiques les unes que les autres et bien sûr, très slaves, ce qui n’assure guère un français intelligible et prodigue des couleurs tout aussi exotiques que celles de l’orchestre. Surtout, tous ces artistes à l’engagement exceptionnel chantent Berlioz d’une manière opulente et lyrique frôlant parfois le contresens, comme pour l’Anna de Yekaterina Krapivina, au somptueux mezzo, qui tire le rôle vers Dalila, ou ceux de Iopas et Hylas où les ténors affichent des voix richement timbrées et émises à pleins poumons là où l’on souhaiterait des aigus mixés et davantage de demi-teintes.
Cela dit, comment résister à la magnificence de voix telle que celle d’Ekaterina Semenchuk, sorte de réincarnation d’Elena Obraztsova : même chevelure ondoyante, même superbe matériau, opulent et richement timbré ? La ressemblance est troublante. Admirons par ailleurs les efforts de prononciation, un engagement et une émotion qui rendent extrêmement poignante la scène finale. Du grand art.
Si elle ne dispose pas d’un bagage vocal aussi somptueux, la Cassandre de Mlada Khudoley est tout aussi intense et magnifique d’investissement et d’expressivité. Face à elle, le Chorèbe d’Alexei Markov est comme toujours renversant et somptueux de timbre et de ligne, un régal.
Reste l’Énée de Viktor Liutsuk remplaçant au pied levé Sergeï Semishkur. À défaut d’être séduisante, la voix est solide, le chant un peu frustre par moments. On pense à Jon Vickers mais sans la dimension épique que celui-ci savait donner au personnage. Liutsuk fait de sensibles efforts pour alléger dans le duo Nuit d’ivresse mais en fait un peu trop au moment de sa séparation avec Didon, lâchant un « Italie ! » frisant le mauvais goût.
Notons enfin que la partition de Berlioz connaît quelques légères coupures (le ballet du début du II, une partie de celui du IV) tandis qu’est choisie la version primitive du Finale de l’acte V (exhumé par Gardiner au Châtelet).
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Festpielhaus, Baden-Baden Le 12/07/2015 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Version de concert des Troyens de Berlioz sous la direction de Valery Gergiev au festival d’été de Baden-Baden 2015. | Hector Berlioz (1803-1869)
Les Troyens, opéra en cinq actes (1863)
Livret du compositeur, d’après Virgile
Viktor Liutsuk (Enée)
Ekaterina Semenchuk (Didon)
Mlada Khudoley (Cassandre)
Alexei Markov (Chorèbe)
Yekaterina Krapivina (Anna)
Yuri Vorobiev (Narbal)
Oleg Sychov (Panthée)
Dmitri Voropaev (Iopas)
Lyudmila Dudinova (Ascagne)
Alexander Trofimov (Hylas)
Vladimir Feliauer (Priam)
Elena Vitman (HĂ©cube)
Yuri Vorobiev (l’Ombre d’Hector)
Alexander Gerasimov (un chef grec /un soldat troyen)
Mikhaïl Makarov (Hélénus)
Vitali Yankovsky (Mercure /un soldat troyen)
Chœurs et Orchestre du Théâtre Mariinski
direction : Valery Gergiev | |
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