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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Neuvième Symphonie de Mahler par l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Daniel Barenboïm au festival de Salzbourg 2015.
Salzbourg 2015 (4) :
L’éternel optimiste
Dans une programmation célébrant les ouvrages créés par l’Orchestre philharmonique de Vienne, la Neuvième Symphonie de Mahler, donnée en première mondiale par Bruno Walter en 1912, avait une place de choix. Une exécution confiée à Daniel Barenboïm, qui, par delà quelques traits de vitriol, en défend une conception apaisée, presque optimiste.
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L’édition 2015 du festival de Salzbourg apparaît comme une étape de transition, presque de vaches maigres au niveau lyrique, après des années Pereira semblant ignorer la crise malgré un remplissage des salles moindre que de coutume, phénomène rarissime dans une manifestation connue pour ses spectacles ausverkauft des mois à l’avance.
Afin de rétablir une meilleure santé budgétaire, l’équipe régente a préféré la prudence, avec seulement deux véritables nouvelles productions pour cet été, le Fidelio de Claus Guth, et Die Eroberung von Mexico de Rihm, au milieu de reprises de 2014 ou du festival de Pentecôte – Chevalier à la rose de Kupfer, Trouvère d’Hermanis, Iphigénie en Tauride et Norma de Caurier-Leiser.
L’accent a donc Ă©tĂ© mis sur la programmation instrumentale. ParticularitĂ© intĂ©ressante, les programmes de l’Orchestre philharmonique de Vienne se concentrent cet Ă©tĂ© et le prochain sur les Ĺ“uvres dont l’orchestre a Ă©tĂ© le crĂ©ateur. Avec des ouvrages rares et prĂ©cieux comme les Fresques de Piero della Francesca de Martinů ou la Deuxième Symphonie de Franz Schmidt, au milieu d’incontournables du grand rĂ©pertoire comme la Huitième de Bruckner ou les Deuxième et Troisième de Brahms.
La Neuvième Symphonie de Mahler, dernière achevée par son auteur qui n’aura pas le temps de l’entendre sur les fonds baptismaux, créée post mortem le 26 juin 1912 par le fidèle du compositeur Bruno Walter, a été confiée au mahlérien occasionnel Daniel Barenboïm, certainement pas le chef auquel on associe en premier ce répertoire.
Notre seul souvenir mahlérien sous sa baguette au concert remonte du reste à un 11 septembre 2001 de sinistre mémoire, quand l’Orchestre de Chicago, défait par les attentats de New York intervenus quelques heures auparavant, avait donné à Lucerne une Septième Symphonie trop marquée par le contexte pour pouvoir en juger sereinement.
On est donc heureux de constater que Barenboïm, grand brucknérien, sait aussi parfaitement où il va dans une partition extrêmement complexe, névrotique à souhait, où l’éternel optimiste qu’il est cherche à la moindre occasion à classiciser le langage chromatique, tendu, du compositeur : battue à quatre temps offrant un cadre lisible, sans rubato démesuré, effets orchestraux jamais forcés, sans interventionnisme outrancier.
Chez ce grand humaniste connu pour son engagement constant dans les conflits du Proche-Orient, on sent comme une volonté de pacifier le discours, de ne pas se laisser emporter par les passions gigantesques qui peuvent irriguer l’œuvre sous des baguettes moins distanciées. Pour autant, jamais on n’a l’impression que la partition ne soit sous-jouée ou affaiblie, les motifs les plus grinçants étant mis en exergue avec une causticité bienvenue.
Toute la fin du premier mouvement est abordée avec une vraie sérénité, un calme intérieur transmis à un orchestre ouvragé et soigneux. Dans le même esprit, l’Adagio final, lyrisme contenu, sans nul débordement, respectera assez prudemment les indications jusqu’à l’ultime decrescendo, loin de l’art infinitésimal et des silences d’un Abbado, mais d’une sobriété tout à fait valable, à défaut d’emmener vers les mêmes sphères.
C’est dans les mouvements centraux, et notamment les passages rapides du Ländler, manquant de précision rythmique, battue alla breve que l’orchestre suit avec quelques secondes de flottement à chaque rupture de tempo, que l’exécution convainc le moins, souffrant de surcroît d’une tendance à privilégier par trop la ligne de chant aux dépens de l’accompagnement, trop peu ciselé ou défini – les croches perpétuelles d’un Rondo-Burleske aux contrastes par ailleurs efficaces.
Et pourtant, ce matin, Barenboïm avait tout prévu, jusqu’à une baguette de remplacement bien utile lorsqu’il cassera la sienne contre le pupitre des chefs d’attaque des seconds violons. Une baguette de secours posée à côté d’un verre d’eau : le maître zen n’aura pas à y toucher tant il ne se sera jamais départi d’une sérénité olympienne tout au long de cette exécution matinale dont le naturel et l’allant évoqueraient presque ceux d’un certain… Bruno Walter.
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 23/08/2015 Yannick MILLON |
| Neuvième Symphonie de Mahler par l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Daniel Barenboïm au festival de Salzbourg 2015. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 9 en ré majeur
Wiener Philharmoniker
direction : Daniel BarenboĂŻm | |
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