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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de La Cena delle Beffe de Giordano dans une mise en scène de Mario Martone et sous la direction de Carlo Rizzi à la Scala de Milan.
Scènes de gangs
Ouverte par Giovanna d’Arco, la première véritable saison de Pereira à La Scala s’attèle à programmer des raretés de l’opéra italien en s’intéressant cette fois à la période vériste et au compositeur Umberto Giordano. Sans être la partition du siècle, La Cena delle Beffe retient l’attention grâce à la transposition de Martone et aux nouveaux univers recherchés par le compositeur.
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Comme la veille, l’ouvrage présenté au Teatro alla Scala dans cette saison 2015-2016 est un opéra vériste du début du siècle créé par Arturo Toscanini, écrit par un compositeur à la recherche d’une nouvelle voie. Mais si La Fanciulla del West attire encore par le matériau musical malgré son manque de personnalité par rapport aux autres œuvres de maturité de Puccini, La Cena delle Beffe de Giordano, créé en 1924 sur la scène milanaise et non rejouée depuis l’année suivante, montre moins d’intérêt.
On est pourtant séduit dans l’ouverture par les sonorités de bois lorgnant vers Eugène Onéguine, puis par un style proche de celui de Leoncavallo allant jusqu’à certaines envolées lyriques alla Puccini. Malgré de beaux duos amoureux, notamment celui de Gianetto-Ginevra au II et Neri-Lisabetta au III, ainsi qu’une utilisation habile d’un Stornello italien par un Cantore avant la scène de crimes finale, l’œuvre manque de force pour passionner et d’individualité pour y identifier tout à fait la patte du compositeur né dans les Pouilles en 1867.
L’Orchestra del Teatro alla Scala sous la direction de Carlo Rizzi fait toujours ressortir de superbes harmonies et montre le travail précis du chef dans les scènes d’ensembles et les duos, ainsi qu’un véritable raffinement de la dernière scène, tout particulièrement lors des ultimes mesures. On ne retrouve cependant en fosse ni la palette de couleurs ni l’ampleur poétique de la veille, moins évidentes à discerner dans cette partition. Le chœur ou plus exactement les solistes choisis parmi les choristes avivent les scènes de groupes, elles-mêmes dynamisées par la mise en scène de Mario Martone.
Le metteur en scène napolitain évite la lourdeur d’un livret tiré de l’auteur Sem Benelli basé sur des guerres de fratries florentines sous le règne de Laurent le Magnifique. Il transpose l’action à l’époque de la composition, dans la mafia de la Prohibition, sur la 7e Avenue de New-York à hauteur de Penn Station, à quelques blocs seulement de Carnegie Hall. Le superbe décor de Margherita Palli joue sur trois niveaux amovibles d’un immeuble possédant une cave pour le trafic, un restaurant italien au rez-de-chaussée et des chambres dans les étages.
Renforcée par un excellent travail de dramaturgie, cette proposition intelligente ne laisse jamais les acteurs à vide et occupe toujours les figurants pour renforcer le réalisme, comme lors de la première scène où certains mangent de grosses plâtrés de spaghetti sur les tables adjacentes à l’action, et où d’autres sont visibles par la fenêtre dans un second restaurant. La scène finale fonctionne particulièrement dans sa violence grâce à un premier meurtre au pistolet puis un second au couteau pour se débarrasser du couple incestueux, sous le chant lyrique du Cantore Edoardo Milletti, tandis qu’au rez-de-chaussée l’armée féminine de Lisabetta massacre toute le reste du gang à la sulfateuse.
Le ténor Marco Berti doit se battre avec les nombreux airs de bravoure hauts en aigus de Giannetto, qu’il atteint vaillamment par un chant en force dont le timbre n’est pas des plus beaux. La soprano lyrico-spinto américaine Kristin Lewis (Ginevra) lui répond avec plus de douceur et de beaux piani, parfois trop absorbés par l’action. Des trois rôles principaux, le plus impeccable reste celui du Neri de Nicola Alaimo, passionnant dans les rôles de méchants et dont la voix bien projetée possède une violence idoine dans les attaques et la diction.
Une redécouverte est toujours bienvenue dans un paysage musical souvent focalisé sur une vingtaine de titres du répertoire dans le monde ; cela permet d’entendre ici une autre facette d’Umberto Giordano que celle du trop joué Andrea Chénier. Ne reste plus qu’à espérer des prochaines saisons la remise en avant d’autres partitions plus marquantes, portée avec le même niveau de qualité que celui dont a bénéficié ce Dîner de moqueries.
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Teatro alla Scala, Milano Le 07/05/2016 Vincent GUILLEMIN |
| Nouvelle production de La Cena delle Beffe de Giordano dans une mise en scène de Mario Martone et sous la direction de Carlo Rizzi à la Scala de Milan. | Umberto Giordano (1867-1948)
La Cena delle Beffe, poème dramatique en quatre actes
Livret de Sem Benelli
Coro del Teatro alla Scala
Orchestra del Teatro alla Scala
direction : Carlo Rizzi
mise en scène : Mario Martone
décors : Margherita Palli
costumes : Ursula Patzak
Ă©clairages : Pasquale Mari
Avec :
Marco Berti (Giannetto Malespini), Kristin Lewis (Ginevra), Nicola Alaimo (Neri Chiaramantesi), Leonardo Caimi (Gabriello Chiaramantesi), Luciano Di Pasquale (Il Tornaquinci), Giovanni Romeo (Il Calandra), Frano Lufi (Fazio), Francesco Castoro (Il Trinca), Bruno de Simone (Il Dottore), Edoardo Milletti (Lapo, Un cantore), Jessica Nuccio (Lisabetta), Chiara Tirotta (Laldomine), Federica Lombardi (Fiammetta), Chiara Isotton (Cintia), Edoardo Milletti (Cantore). | |
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