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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Version de concert de Madame Butterfly de Puccini sous la direction de Mikko Franck au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Formidable Butterfly
Vive les opéras en version de concert quand ils sont défendus par une distribution du plus haut niveau à tous égards ! Ils nous évitent les élucubrations de metteurs en scène remplaçant le propos du compositeur par leurs propres frustrations d’enfance ou leurs délires psychanalytiques. Cette Butterfly du TCE a été une formidable soirée de musique et d’émotion dramatique.
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C’était presque un pari que de donner Madame Butterfly en concert. On savait déjà qu’une vision très dépouillée, comme celle de Robert Wilson avec ses splendides éclairages, servait l’œuvre au mieux. Ici, on franchit un pas de plus avec cette rigoureuse mise en espace faisant entrer et sortir certains protagonistes au moment adéquat et laissant tout un chacun composer son personnage sur place, avec une gestuelle réduite, tout l’accent mis sur l’interprétation vocale. Mais de toute façon, avec un chef comme Mikko Franck et une Butterfly comme Ermonela Jaho, le pari était gagné d’avance.
Dès les premières mesures de l’introduction orchestrale (splendide Philharmonique tout comme le seront les chœurs de Radio France), on est frappé par la manière absolument magnifique qu’a Mikko Franck d’aborder cette énorme partition orchestrale, l’une des plus lourdes, sinon la plus lourde, des opéras de Puccini. L’orchestre sonne avec une finesse, une clarté, une brillance, un équilibre qui laissent passer aussi bien tout le lyrisme de certaines phrases que le déchaînement passionnel d’autres moments, sans une faute de goût ni un excès, mais avec une sensibilité de chaque seconde. Il n’y aura pas de toute la soirée une minute qui ne touche l’auditeur ni ne paraisse fondamentale, intéressante, touchante, voire bouleversante. Le grand intermède orchestral qui suit le superbe chœur est un miracle de couleurs irisées, de sonorités subtiles, d’élans d’une force émotionnelle, encore, irrésistible. Orchestre et chef vont vraiment de sommet en sommet.
Mais tout cela ne serait peut-être rien sans la présence incroyable de la Butterfly d’Ermonela Jaho. Bien sûr, tous ses partenaires sont parfaits, Bryan Hymel, voix ample et généreuse, est un Pinkerton baraqué et versatile à souhait, Marie-Nicole Lemieux une Suzuki de grand luxe qui parvient à se glisser dans la peau d’une frêle petite servante, Marc Barrard un Sharpless sonore et expressif, Mikeldi Ataxalandabaso un Goro à l’antipathie adéquate, Wojtek Smilek un bonze à la voix de bronze, Christophe Gay un Yamadori cherchant à séduire avec une crête impressionnante et une bonne voix, aussi, et même ce rôle vraiment sacrifié de Kate est tenu avec dignité par Valentine Lemercier, vraie gravure de mode modern style.
Au centre de cette très solide distribution, en osmose absolue avec le chef, Ermonela Jaho est une Butterfly à tirer des larmes aux plus blasés des auditeurs. Sa solidité vocale sur toute la tessiture, avec des nuances incroyables dans la douceur, s’allie à une fragilité physique qui donne une totale crédibilité à cette héroïne de quinze ans. Dévorée par l’amour, détruite par sa naïveté et le chagrin, elle exprime toutes les dimensions de ce drame avec une force inouïe, sa frêle silhouette liée à la puissance dramatique de son chant, réduisant le géant Pinkerton à son rôle de minable séducteur d’opérette. Toute la grandeur et toute la force sont pour la victime, la petitesse pour le rustre venu d’occident avec tout l’orgueil de sa civilisation. Une interprétation immense, et encore une fois, passionnante, émouvante, musicalement et théâtralement puissante de bout en bout.
Triomphe, bien sûr, et une belle réussite du Théâtre des Champs-Élysées producteur du concert en collaboration avec les Chorégies d’Orange.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 07/11/2017 Gérard MANNONI |
| Version de concert de Madame Butterfly de Puccini sous la direction de Mikko Franck au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Giacomo Puccini (1858-1924)
Madama Butterfly
Ermonela Jaho (Madama Buttefly)
Marie-Nicole Lemieux (Suzuki)
Valentine Lemercier (Kate Pinkerton)
Bryan Hymel (Pinkerton)
Marc Barrard (Sharpless)
Mikeldi Atxalandabaso (Goro)
Wojtek Smilek (Il Bonzo)
Christophe Gay (Yamadori)
Pierre Doyen (Il Commissario)
Barbara Vignudelli (La Cugine)
Elodie Salmon (La Madre)
Isabelle Tréhout-Williams (La Zia)
Sylvain Levasseur (Yakuside)
Chœur de Radio France
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Mikko Franck | |
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