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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert des Berliner Philharmoniker sous la direction de Sir Simon Rattle, avec la participation du pianiste Krystian Zimerman au Festival de Pâques de Baden-Baden 2018.
Diamant noir
Couplage incongru pour ce concert du festival de Pâques de Baden-Baden qui vaut surtout pour une Deuxième Symphonie de Bernstein défendue avec une intensité et une éloquence prenante de la part de Krystian Zimerman. Rattle de son côté radiographie la partition, tout comme l’Héroïque de Beethoven, d’une manière presque lassante.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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La Symphonie n° 2 de Bernstein est une œuvre extrêmement rare au concert et lorsque Krystian Zimerman, tout aussi rare, est au clavier, il y a de quoi susciter l’intérêt. Le compositeur américain s’est inspiré pour cette œuvre d’un recueil éponyme de Wystan Hugh Auden, écrit en 1947 et évoquant des jeunes gens à la recherche d’identité et de repères dans le monde de l’après-Seconde Guerre mondiale.
Il y a une sourde angoisse dans cette partition dont la première partie est un vaste thème et variations et où la seconde débute par un chant funèbre très dramatique auquel succède le Masque aux accents jazz pour se terminer sur un Épilogue qui soulève les montagnes, évoquant le Finale d’On the waterfront.
La partie de piano, qui hésite entre concerto et symphonie avec piano obligé, est conséquente. On notera cependant une orchestration faisant plus d’une fois penser aux compositeurs que Bernstein aimait diriger, en premier lieu Chostakovitch ou Copland. Le discours est parfois audacieux et le travail sur les timbres remarquable, avec même un second piano dans l’orchestre qui intervient jusque dans la cadence du piano principal. Bernstein est tout entier dans cette partition, d’une sincérité, d’une énergie et d’un romantisme échevelé.
On n’attendait à vrai dire pas Zimerman dans ce répertoire, et pourtant, le pianiste polonais a joué cette symphonie sous la baguette du compositeur (Londres, 1986) et il faut bien avouer que son interprétation est splendide, brillant d’une grande éloquence que soutiennent un toucher de rêve et une poésie de tous les instants, captivant jusque dans une dernière partie jazzy d’un grand naturel. Toujours soucieux de s’insérer dans la sonorité orchestrale, le pianiste est souvent tourné vers l’orchestre et en constante relation avec le chef.
Rattle est, de ce côté, parfaitement fiable, mais il semble vouloir décortiquer la partition avec force contrastes et, pour le coup, un certain manque de naturel. Le duo introductif de clarinettes révélateur : un pianissimo constant et statique qui vide pratiquement le discours de sa substance. Cette lecture très intellectuelle, presque École de Vienne, affiche un sérieux qui peut rebuter, même si le mystère et l’angoisse du discours ressortent particulièrement. C’est une lecture noire et pessimiste et la grandiose fin de l’Épilogue en prend un relief absolument saisissant, d’autant que Zimerman, peu avant sa dernière intervention, ferme sa partition, comme un hommage à Bernstein qui lui avait fait promettre de jouer cette œuvre pour son centième anniversaire. Chose faite.
Après un si grand moment, il est difficile de rentrer dans l’Héroïque de Beethoven (quel curieux couplage !). On y retrouve un Philharmonique de Berlin (à l’effectif réduit : cordes par 8-8-6-4) toujours aussi confondant avec des solistes à se damner (le hautbois, le cor) et des pupitres merveilleux (des contrebasses qui chantent comme aucunes autres, tout comme les altos opportunément placés à gauche).
Rattle quant à lui offre une lecture d’une grande clarté avec un souci constant de la lisibilité. Tout est maîtrisé et millimétré dans cette direction (le scherzo telle une dentelle ciselée) qui manque là encore d’un certain naturel et d’une énergie proprement beethovénienne. On sent que le chef anglais privilégie par trop la rondeur au détriment d’un discours saillant et surprenant. On finit par se lasser un peu de tant de zooms et l’œuvre nous en paraît presque longuette ; un comble !
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Festpielhaus, Baden-Baden Le 01/04/2018 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Concert des Berliner Philharmoniker sous la direction de Sir Simon Rattle, avec la participation du pianiste Krystian Zimerman au Festival de Pâques de Baden-Baden 2018. | Leonard Bernstein (1918-1990)
Symphonie n° 2 « The Age of Anxiety »
Krystian Zimerman, piano
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 3 en mib majeur op. 55 « Eroica »
Berliner Philharmoniker
direction : Sir Simon Rattle | |
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