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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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RĂ©cital du pianiste Maurizio Pollini Ă la Philharmonie de Paris.
Ecce homo
Le nouveau récital de Maurizio Pollini à la Philharmonie de Paris ne fait entendre que des œuvres jouées dès la première partie de la carrière du maître du piano milanais, au risque de la comparaison avec celui qu’il a été. Des éclats, parfois éparpillés, maintiennent très haut le flambeau, mais les manques interrogent sur cette opportunité.
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L’obstination de Maurizio Pollini à jouer les chefs-d’œuvre de sa jeunesse est touchante et se comprend sans peine à la fois pour des raisons d’attachement et de mémoire musculaire du jeu. Elle est maintenant problématique à certains égards. Néanmoins, la première partie de son récital parisien annuel dévolue à Schumann le fait entendre en bonne forme. Certes, les transitions de l’Arabesque ressemblent à des coups de boutoir.
Le maître se lance davantage dans le clavier. De tout son frêle poids, il s’efforce de relancer le discours. De même, certains accords de la Fantaisie manquent de corps. Mais les doigts volent, et la coordination des mains reste magistrale tout au long des développements d’une œuvre complexe, absolument maîtrisée. Le troisième mouvement récompense l’auditeur par son équilibre intérieur avec des voix secondaires fascinantes.
Contrairement à ses précédents récitals, le pianiste paraît moins à son aise dans la seconde partie réservée à Chopin. La Mazurka en ut mineur ne respire ni ne chante et se perd dans la précipitation accusant un jeu qui n’a jamais été très sensuel. Les deux premiers mouvements de la Sonate n° 2 mettent mal à l’aise tant l’artiste fatigue et semble combattre les raideurs de son corps coincé contre le clavier. La Marche funèbre rétablit le contrôle en quelques mesures ; une sorte de panthéon musical où les proportions parfaites et le style impeccable éblouissent dans une simplicité d’une évidence confondante. En particulier, les trilles sont autant de floraisons discrètes mais bouleversantes. Peu importe le flou du court Finale, c’est le moment d’éternité qu’on retiendra de la soirée !
La Berceuse qui suit prolonge un peu le souvenir d’une harmonie retrouvée. Hélas, la Polonaise héroïque n’est plus que manques, celui du soutien de la sonorité au premier chef. Les grands accords chromatiques demandent un effort musculaire qui n’est pas réalisable par l’Italien, du moins ce soir. Les octaves sonnent fragiles et les arabesques atones. L’immense ovation du public redonne quelques forces au pianiste qui ne résiste pas à jouer en bis la Première Ballade, autre cheval de bataille de ses vingt ans.
Elle résume l’état actuel de l’art de Pollini, à la peine dans les passages demandant un investissement physique mieux réalisés par les plus jeunes, souverain dans les développements plus intérieurs. Au sortir de cette soirée, une question un peu naïve nous taraude : pourquoi Maurizio Pollini n’adapte-t-il pas ses programmes à ses moyens actuels ? Plutôt que des éclats merveilleux du passé, nous y trouverions de nouveaux trésors entiers.
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Philharmonie, Paris Le 22/11/2021 Thomas DESCHAMPS |
| RĂ©cital du pianiste Maurizio Pollini Ă la Philharmonie de Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Arabesque (1838)
Fantaisie (1839)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Mazurka en ut mineur, op. 56 n° 3 (1844)
Sonate pour piano n° 2 (1839)
Berceuse (1844)
Polonaise héroïque (1842)
Maurizio Pollini, piano | |
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