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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Reprise d’Alcina de Haendel dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Thomas Hengelbrock à l’Opéra national de Paris.
Le triomphe de Morgana
Jeanine De Bique, nouveau talent, ne déçoit pas dans la reprise d’Alcina. L’écrin des décors et des figurants mis en scène par Robert Carsen sous les ors du Palais Garnier lui sied à merveille. Sous la houlette très attentive de Thomas Hengelbrock, c’est toutefois la Morgana de Sabine Devieilhe qui remporte la palme.
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Créée en juin 1999, la mise en scène de Robert Carsen pour Alcina de Haendel conserve son élégance au luxe un peu glacé. La simplicité de ses décors, la logique imparable de sa construction fonctionnent d’autant que la direction d’acteur pour cette quatrième reprise est soignée. Enfin, les hommes nus à l’antique mêlés ou non aux chœurs pour figurer l’emprise magique et sexuelle de la magicienne montrent que le recrutement des figurants à l’Opéra de Paris demeure sans égal !
En contraste avec cette nudité, retour des masques chirurgicaux sur scène pour les chœurs (et pour les figurants lorsque ceux-ci sont aux côtés des choristes), ce qui rend pâteuses leurs brèves interventions. Les masques n’ont évidemment pas d’impact notable dans la fosse sur la prestation de la formation orchestrale invitée, l’ensemble Balthasar Neumann. Son continuo est inventif et très musical où brillent les sortilèges des théorbes. Tout comme les instruments solistes dialoguent de très belle façon avec les chanteurs. L’orchestre dans son ensemble séduit un peu moins avec une prééminence marquée des cordes sur les bois aux effectifs trop réduits.
La direction de Thomas Hengelbrock est très carrée mais épouse les capacités des chanteurs au mieux. Ainsi le legato sublime de Nicolas Courjal en Melisso s’étire très lentement pour un Pensa a chi gene d’amor piagata ciselé de manière inoubliable. Jeanine De Bique joue de son timbre mordoré dans les lamentations et maîtrise à la perfection les pièges harmoniques du rôle-titre. Il lui reste à trouver encore un peu plus d’abandon dans l’imitation de l’improvisation qu’est Ombra pallide. En outre, son instrument à la puissance relative perd en projection dans les vocalises d’un style très sûr.
Le Ruggiero de Gaëlle Arquez est plus sonore, très sûr également, même si les vocalises ne sonnent pas toujours évidentes. De ce rôle ambivalent, sous emprise, la chanteuse privilégie les pages les plus désespérées. Roxana Constantinescu poitrine le bas du registre de Bradamante mais sa spontanéité emporte une sympathie sans mélange pour son personnage. Le ténor très souple de Rupert Charlesworth constitue une belle surprise, tant il joue de la diversité des registres d’Oronte, sarcastique ou très amoureux.
Toutefois, c’est l’autre magicienne, Morgana, qui est la reine de la soirée pourtant ramenée abusivement à un personnage de soubrette par Robert Carsen. Sabine Devieilhe ornemente à la folie le fameux Tornami a vaggheggiar et trouve des accents bouleversants dans les pages plus amoureuses. Sa voix aux harmoniques trop riches pour être rendus fidèlement par le disque trouve sur la scène de Garnier un espace cosmique à la mesure de son art.
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